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Serge Atlaoui : « L’espoir, c’est la différence entre la vie et la mort »


Serge Atlaoui a été contacté à partir du téléphone public de la prison de Pasir Putih. Le Messin de 51 ans est, depuis près de huit ans, dans le couloir de la mort et risque d’être exécuté prochainement.

> L’audience de mercredi, qui pourrait déboucher sur la révision de votre procès, était décevante. Pourquoi ?

Serge Atlaoui  : On m’accorde le recours, mais on ne m’autorise pas à me défendre en faisant entendre des témoins. Le « patron » (NDLR  : le leader de la bande avec laquelle il a été arrêté en 2005) lui, cela lui a été accordé.

> Vous avez demandé au tribunal de vous laisser une chance. C’est-à-dire ?

Je crois que tout le monde a le droit d’avoir une seconde chance dans sa vie. C’est ce que je leur demande. Oui, j’ai demandé ma grâce et le pardon pour ce que j’ai fait, mais je ne peux pas demander le pardon pour ce dont on m’accuse, c’est différent.

> Vous maintenez que c’est seulement sur place, en 2005, que vous avez compris que votre mission n’était pas claire ?

Oui, moi, j’avais confiance dans celui, décédé depuis de maladie, qui m’a proposé le job. J’ai installé les machines d’acrylique, mais les Chinois de la bande, je ne connaissais rien d’eux. On a tous été stupéfaits quand les policiers ont sorti toute cette drogue (dont 290 kg de kétamine). Personne n’était au courant.

> La justice indonésienne n’a pas voulu comprendre cela…

Surtout la Cour suprême. Les juges ont changé complètement mon rôle. En première instance et en appel, ils m’avaient accordé ces circonstances. Pour la Cour suprême, je suis passé de technicien à chimiste.

> Cette étiquette de chimiste vous colle à la peau en Indonésie ?

Oui. Depuis la Cour suprême. Lors de la reconstitution par la police, on voit bien que je ne suis qu’un ouvrier. Moi, je n’ai jamais manipulé les substances chimiques. Et puis, je n’étais pas très souvent là. Je restais en stand-by dans l’appartement de Jakarta et quand on avait besoin de moi, on envoyait un chauffeur me chercher. Tout cela, les témoins l’ont dit.

> Vous profitez de votre famille, qui était à vos côtés, hier encore, dans la prison de Nusakambangan ?

Ah oui, absolument. C’est seulement deux fois par semaine, mais je me contente de ça.

> Sabine, votre femme, s’accroche tous les jours au mot « espoir ». Pour vous, cela signifie quoi ?

L’espoir, c’est la différence entre la vie et la mort.

> Comment résistez-vous, depuis bientôt huit ans, dans le couloir de la mort ?

Cela doit être un peu pareil partout. Le quotidien, quoi ! On a nos occupations, la cuisine, lire, faire du sport. Évidemment, tous ceux qui sont dans le couloir de la mort, cela leur reste dans la tête aussi. On pense qu’un jour on va venir vous chercher. Un bruit de clé dans le couloir, la nuit, et puis voilà. On sait très bien ce que cela veut dire…

> Vous connaissiez bien le Brésilien et le Hollandais exécutés le 18  janvier, n’est-ce pas ?

Oui, je les connaissais très bien. D’un jour à l’autre, subitement (NDLR  : ils ont été placés à l’isolement). C’était des gens très bien, ils se sont repentis. Ça a été très malheureux.

> Au tribunal mercredi, vous avez mis en avant votre exemplarité…

Oui, je n’ai pas bougé depuis huit ans. Au sein de la prison, j’utilise mes connaissances techniques pour qu’on ait de l’eau propre, j’ai tout remis à neuf, les conduites. Je m’occupe de la maintenance, je répare les pompes, je nettoie les cuves. J’ai formé un Indonésien pour le faire.

> Vous le dites clairement : la peine de mort ne change rien à la criminalité…

Évidemment. Écoutez, depuis qu’ils ont repris les exécutions (NDLR : en Indonésie), ils n’arrêtent pas d’attraper des trafiquants. Tous les jours, ils en arrêtent en ce moment.

Entretien avec Alain Morvan (Le Républicain Lorrain)


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