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Paroles de soignants lorrains qui travaillent au Luxembourg


«Je suis attristée de servir un autre pays que le mien. Mais si les salaires et les conditions de travail étaient meilleurs, je serai restée», explique une infirmière (photo d'illustration : Pierre Heckler / Le Républicain Lorrain).

Ils vivent tous les quatre en Moselle. Trois sont infirmiers diplômés de l’Ifsi Bel-Air de Thionville depuis au moins dix ans. La 4e est aide-soignante. Alors que les hôpitaux lorrains souffrent du manque de personnel, tous travaillent au Luxembourg. Ils témoignent.

Au départ, Élodie*, 34 ans, ne pensait pas au Luxembourg : « J’ai d’abord passé cinq ans en hôpital à Thionville. J’étais dans une super équipe, avec de bonnes conditions de travail. Mais des personnes sont parties, des choses ont changé et une collègue m’a débauchée pour un CDD de 18 mois au Luxembourg. » L’infirmière messine y découvre un autre monde « avec de meilleures conditions de travail et une dimension humaine plus présente ». Dans les logements encadrés pour seniors où elle arrive, les dix soignants sont… Français. Elle passe de 37 à 40 h/semaine mais son salaire fait des bonds. « Il a doublé d’entrée. En France, dans le privé, en travaillant trois week-ends sur quatre, j’étais à 1 800 € net par mois. Pour des cycles de quinze nuits, on touchait 60 € ! Au Luxembourg, je suis à 4 200 € net d’impôts. Cela permet de préparer le long terme, d’investir. »

« C’est très alléchant »

Valérie*, 44 ans, a signé dès l’école un contrat avec l’hôpital de Hayange qui lui finançait la fin de ses études contre un engagement de trois ans. Elle en fait cinq et travaille un an dans un laboratoire français avant de succomber à la tentation. « L’ambiance n’était pas bonne. Alors, j’ai postulé au Luxembourg et j’ai eu trois réponses positives. J’y suis depuis onze ans. Tout est très bien organisé », confie l’infirmière préleveuse en laboratoire. Et puis il y a le salaire : « C’est très alléchant. À mi-temps, pour 20 h par semaine, je gagnais plus que les 1 500 € de mon plein-temps en France en travaillant week-ends et jours fériés. » Aujourd’hui, elle est à 25 h (4 h 30 par jour), pour 2 150 € net d’impôts. L’idéal pour cette mère de famille qui vit à Mondorff : « Je suis à 20 mn par la nationale. Il n’y a jamais de bouchons. Je suis attristée de servir un autre pays que le mien. Mais si les salaires et les conditions de travail étaient meilleurs, je serai restée. Là, il n’y a pas photo. »

« Qualité de soins et moyens »

Marie*, 35 ans, de Hettange-Grande, est aide-soignante en logement encadré depuis dix ans après avoir travaillé en France dans les soins à domicile. À temps complet, elle y gagnait 1 500 € net. Aujourd’hui, la mère de deux enfants est à 60 % au Luxembourg pour 2 200 € net, sans poste de nuit. « À temps plein, je gagnerai plus que mon conjoint infirmier-anesthésiste qui a fait le choix de la France. Il a testé le Luxembourg mais n’a pas supporté les embouteillages. Moi, j’y reste pour le salaire, la qualité de soins et les moyens. Dès qu’on veut du matériel, cela va beaucoup plus vite qu’en France. »

« J’ai pu acheter sans apport »

Pierre*, la trentaine, a eu son diplôme en 2010 : « À l’époque, il y avait peu de postes après le redéploiement du personnel de Hayange, fermé. » Il trouve un CDD d’un an à l’hôpital gériatrique Le Kem de Thionville avant de rejoindre le Luxembourg dont il possède aussi la nationalité et parle la langue : « Quand on est jeune, on veut pouvoir décrocher des crédits pour s’installer. J’ai pu acheter sans apport. » À l’hôpital, il apprécie « l’approche internationale des soins » et les équipements dernier cri du plateau technique. » Et son salaire, de 1 450 € net à Thionville avec les week-ends, est aujourd’hui de 3 980 € sans week-end ni nuit. Mais il avertit aussi sur les inconvénients : « C’est 40 h par semaine et ce n’est pas le même métier. En l’absence d’aides-soignants, les infirmiers assurent la prise en charge globale du patient. Les effectifs sont corrects, mais pas en surnombre non plus. Enfin il y a la route. Pour commencer à 8 h, je pars à 6 h 15 et quand je termine à 16 h, je n’arrive chez moi qu’à 18 h. C’est fatigant. » Élodie* sait qu’elle ne fera pas cela toute sa vie : « Le cinquième matin où je me lève à 4 h 30 pour embaucher à 6 h, c’est difficile. Les retours à 22 h aussi quand je suis d’après-midi. » Elle reviendra en France. Mais pour faire autre chose…

Philippe Marque (Le Républicain Lorrain)