Le préfet de Lorraine devrait prochainement autoriser la chasse nocturne des renards. Les écologistes s’offusquent. Les chasseurs devraient obtenir le droit de chasser le renard de nuit sur 10 000 hectares de forêts et de plaines, entre Jury et Château-Salins, afin de préserver les faisans réintroduits pour être… chassés.
Le renard sera-t-il chassé de nuit sur les 10 000 hectares de plaines et forêts s’étendant sur le ban de 170 communes rurales entre Jury et Château-Salins? Cela paraît aujourd’hui fort probable, après le vote favorable, à l’unanimité moins une voix, de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.
Cette dernière, qui se réunit cinq à six fois par an, avait ce point à l’ordre du jour le 14 juin dernier. Seul le représentant de la LPO Moselle (Ligue de protection des oiseaux), isolé au milieu des représentants de l’État, des agriculteurs et d’une forte proportion de chasseurs, a voté contre le projet d’arrêté préfectoral. La procédure prévoit 21 jours de consultation publique à l’issue du vote. Cette période s’achève aujourd’hui. Le préfet rendra alors sa décision.
«Nous sommes sans illusion», soupire Franck Vigna, même si les associations de défense de l’environnement et la communauté, via le comité scientifique régional du patrimoine national, sont mobilisées pour dire tout le mal qu’elles pensent de cette mesure, si elle était appliquée.
Le renard est classé parmi les espèces nuisibles en Lorraine. Il est donc chassé sans restriction, lors des périodes d’ouverture, autre que celle de la chasse de nuit. Cette dernière est en passe de tomber pour les six prochains mois à la demande du monde cynégétique, sur un vaste territoire où les chasseurs ont réintroduit le faisan, devenu rare dans nos contrées, victime des méthodes d’exploitation agricole. «Neuf mille en trois ans pour plusieurs milliers d’euros», note Pierre Lang, président de la Fédération des chasseurs de la Moselle.
15 000 abattus, 17 000 écrasés
La phase de réintroduction, arrivant à son terme, le temps de la chasse au faisan se profile. Ces oiseaux lancés dans le grand bain de la nature constituent une proie idéale pour les renards, lorsque ceux-ci délaissent les campagnols, de petits rongeurs dont ils sont très friands. «Tuer un prédateur naturel pour défendre une espèce exotique – le faisan vient d’Asie –, destinée à être abattue par les chasseurs et qui se nourrit de reptiles dont les espèces sont protégées en France… Franchement, j’ai du mal avec ce raisonnement», proteste Franck Vigna, qui a signé un documentaire qui fait autorité sur la cause du renard.
Chaque année en Moselle, les goupils sont chassés de jour au rythme de 15 000 par an, qui s’ajoutent aux 17 000 écrasés sur les routes lorsqu’ils s’aventurent trop en avant dans le monde des humains. «Il ne s’agit pas de l’éliminer, mais bien de le réguler», insiste Pierre Lang. Il décrit un prédateur opportuniste qui prolifère et qui est un vecteur important de l’échinococcose alvéolaire, maladie très dangereuse pour l’homme. Les écologistes reconnaissent le risque, mais assurent que l’abattage n’est pas la solution, s’appuyant sur une expérience menée à Nancy.
Les deux camps, irréconciliables, s’accordent sur la difficulté d’évaluer le nombre de renards présents dans le département. On les imagine très nombreux sur la base d’une visibilité de plus en grande. Une intuition plus qu’une certitude.
Pierre Roeder (Le Républicain lorrain)
Chasse en 4×4
Comment chasse-t-on le renard de nuit? Les tireurs prennent place sur un plateau à l’arrière d’un véhicule 4×4. Ce dernier est muni de phares spéciaux qui peuvent éclairer jusqu’à 150 mètres. Les canidés qui apparaissent dans le faisceau lumineux sont mis en joue et deviennent la cible des tirs à une distance d’une centaine de mètres. L’exercice est difficile.
Une nuit de chasse se traduit par deux, voire trois renards abattus. Sur la même zone dont il est question aujourd’hui, les tirs nocturnes ont été déjà autorisés pendant deux mois. Cent-vingt renards ont été abattus durant cette période, que les chasseurs souhaitent perpétuer.
Encore une fois le lobby de la chasse règne. Il ne faudrait surtout pas que les chasseurs s’ennuient l’été, après l’apéro..
La consultation publique a reçu beaucoup de demandes pour l’annulation de l’autorisation de chasse nocturne du renard, pour l’espèce, et aussi pour les citoyens qui, en ces temps sombres, n’ont certainement pas envie d’entendre des coups de feu la nuit, ou d’être victimes d’un des nombreux accidents de chasse de l’année.
Qu’ils mettent des écolos plutôt que des chasseurs et des agriculteurs à ce conseil, on verra qui a l’unanimité après. Conseil de la honte, j’espère que le préfet réagira dans le bon sens.
Vu le nombre d’accidents qu’il y a déjà en plein jour, je n’ose imaginer les chats, chiens, chèvres ou mêmes humains qui seront visés par des tirs.
Les chasseurs chassent les chasseurs pour chasser ? Sachez que je n’y comprends rien : c’est le serpent qui se mange la queue !