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Mulhouse : de la crise des urgences à la résistance contre le coronavirus


Au plus fort de la crise à Mulhouse des urgentistes de tout le pays ont proposé de venir en aide au service des urgences débordés. (Photo / AFP)

Il y a quelques semaines encore, l’hôpital de Mulhouse était un symbole de la crise des urgences. Désormais aux avant-postes de l’épidémie de coronavirus, le service tient le choc et son chef espère même profiter de la crise pour le redresser.

« Si on m’avait annoncé ça en novembre, j’aurais réfléchi à deux fois à venir me poser ici. C’est ajouter la crise à la crise! ». Chef des urgences du Groupe hospitalier régional de Mulhouse Sud Alsace (GHRMSA) depuis l’automne, le Dr Marc Noizet a hérité d’un service au plus mal mais il ignorait encore ce qui allait lui tomber dessus. Début octobre, confrontées à des démissions en cascade de médecins épuisés, les urgences ne comptaient plus que sept médecins titulaires, contre plus d’une vingtaine avant l’été. Quant aux internes, ils se faisaient tous porter pâles afin d’alerter sur l’absence de « seniors » pour les encadrer.

A vingt kilomètres de là, les urgences de l’hôpital d’Altkirch, membre du GHRMSA, ont dû fermer leurs portes à plusieurs reprises ces derniers mois, faute de médecins. Pour se maintenir à flot, celles de Mulhouse ont fait appel à des praticiens d’autres services, des généralistes à la retraite et même l’actuel président de la région Grand-Est, l’urgentiste Jean Rottner, venu prêter main forte. Avant la crise du Covid-19, « beaucoup d’agents souhaitaient quitter le GHR soit en demandant une disponibilité soit même en démissionnant », pointe une source syndicale.

Symbole du naufrage de l’hôpital public

Et pourtant, depuis plus d’un mois, l’établissement et ses urgences, devenus le symbole du naufrage de l’hôpital public, tiennent bon face à la déferlante du coronavirus, dont le département du Haut-Rhin s’est révélé l’un des premiers foyers français. Certes, de nombreux patients ont été transférés vers d’autres établissements moins débordés et l‘armée a déployé un hôpital de campagne au pied du GHR, mais l’hôpital a tenu aussi grâce à la solidarité de ses équipes, insiste le Dr Noizet. Praticiens d’autres services et médecins ayant quitté ces derniers mois le GHRMSA ont afflué dans les services les plus sollicités.

« Malgré la suractivité, on n’a jamais été en carence même si on a eu un petit peu de mal sur certaines journées, certaines nuits », se félicite le chef de service, alors que l’activité liée au Covid-19 décroît depuis 8 jours. « J’ai des sollicitations d’urgentistes de France qui proposent de nous aider et je n’ai rien à leur proposer parce que les plannings sont calés », ajoute-t-il, évoquant une ou deux propositions par jour, qu’il aurait tant aimé recevoir il y a quatre mois… La solidarité a aussi joué chez les membres du personnel non-médical: « On aide sur n’importe quel poste », résume Mauricette Kieffer, leur porte-parole, qui travaille à l’accueil des urgences. « Au début de la crise, j’ai apporté pendant trois jours à manger dans la salle de régulation du Samu, parce qu’ils n’arrivaient même pas à sortir pour se restaurer », raconte-t-elle.

Accélérateur à des changements nécessaires

Selon le Dr Noizet, le coronavirus a également servi d’accélérateur à des changements nécessaires. « Le service des urgences était trop petit et des bureaux ou des locaux de consultation ont été transformés en espaces de soins supplémentaires, en 48 heures », raconte-t-il. Pour séparer urgences Covid et urgences « classiques », « on a ouvert un deuxième service d’urgences, complètement autonome du premier, en trois jours, et cela, personne ne l’aurait imaginé ».

Si toutes les expérimentations menées depuis cinq semaines alimentent sa réflexion sur « l’organisation du service de demain », il espère surtout recréer une équipe solide autour d’un noyau de médecins venus ou revenus à Mulhouse à la faveur de la pandémie. « Je fonctionne avec deux tiers de remplaçants ou d’intérimaires. Certains se sont rendu compte qu’il y avait une âme dans ce service et auront peut-être envie d’y revenir ou d’y rester », veut-il croire.

Mauricette Kieffer, elle, pense « qu’il y aura un contrecoup (pour le personnel) » et espère que les promesses du président Macron, qui a rendu le 25 mars à Mulhouse hommage aux « héros en blouse blanche » et annoncé un « plan massif d’investissement » pour les hôpitaux, seront tenues. « Cela fait longtemps qu’on a détruit l’hôpital public, il faut une crise sanitaire pour réaliser son importance », résume la source syndicale, espérant que celle-ci fasse prendre conscience de la nécessité de conserver des lits d’urgences dans les hôpitaux périphériques.

 

LQ / AFP

 

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