Le projet de vignette autoroutière allemande pourrait ne jamais voir le jour. Notamment car le futur ex-ministre des Transports, porteur du projet, est le nouveau chef de la fraction de la CSU, au Bundestag.
Les négociations, en vue de former une coalition dite «Jamaïque», battent leur plein après les élections législatives fédérales allemandes du 24 septembre dernier. Et elles pourraient bien remettre en question l’introduction d’une vignette autoroutière, entre autres parce que le défenseur du projet, Alexander Dobrindt, ne fera bientôt plus partie du cabinet fédéral d’Angela Merkel.
Le spectre d’une coalition «Jamaïque» – faisant référence aux couleurs noire, jaune et verte des partis CDU/CSU (démocrates-chrétiens), FDP (libéraux) et die Grünen (Verts) – pourrait bien changer la donne, concernant l’entrée en vigueur effective d’une vignette payante pour emprunter les autoroutes allemandes.
Une telle perspective de revirement de situation, alors que la loi instaurant ladite vignette est déjà votée, crée désormais le débat dans la Rhénanie-Palatinat frontalière, d’après le quotidien de la ville de Trèves, le Trierischer Volksfreund. En effet, dans un article paru vendredi et intitulé «Maut-Gegner hoffen auf Jamaika» («Les opposants à la vignette espèrent une coalition Jamaïque»), le journal trévirois explique, entre autres, que le président de la section régionale du FDP, Volker Wissing, qui vise un poste ministériel à Berlin, reste un opposant de la première heure à la vignette autoroutière. «Le FDP rejette la vignette autoroutière et s’est prononcé en faveur de son abolition. Cette position n’a pas changé», a-t-il indiqué au quotidien de Trèves.
Alors même que le nouveau ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NDLR : Land allemand le plus peuplé, situé à la frontière des Pays-Bas et de la Belgique, et à une cinquantaine de kilomètres de l’Oesling), Armin Laschet (CDU), a critiqué la vignette lors de sa première visite aux Pays-Bas dans ses nouvelles fonctions, le vent semble tourner. Car même les Verts restent fidèles à leur opposition au péage autoroutier. «Nous sommes opposés à un péage autoroutier tel que proposé dans sa forme actuelle et ce aussi bien au niveau fédéral que fédéré», a souligné la présidente de la section des Verts de Rhénanie-Palatinat, Jutta Paulus, au Trierischer Volksfreund.
Le ministre Dobrindt quitte le gouvernement
La donne serait d’autant plus en train de changer depuis qu’il est acté que le ministre fédéral des Transports, Alexander Dobrindt, instigateur du projet, ne fera plus partie du gouvernement de la chancelière Angela Merkel, étant donné qu’il va devenir le chef du groupe parlementaire du parti bavarois de la CSU au Bundestag.
Cet éventuel futur retournement de situation est même confirmé par un sondage, réalisé au mois de mai dernier, par le géographe trévirois Stefan Rommelfanger. Ce sondage, fait dans le cadre de son mémoire de fin d’études à l’université de Trèves – intitulé «Le péage (autoroutier) et ses conséquences sur la région frontalière» – avait permis à 1 096 résidents luxembourgeois de se prononcer sur l’instauration d’une vignette autoroutière. Lancé sur les médias sociaux et via le Lëtzebuerger Journal, les réponses au catalogue de 15 questions a abouti à la conclusion que «l’introduction d’un péage autoroutier augmenterait considérablement le trafic sur les routes nationales», dixit Stefan Rommelfanger, cité par le Trierischer Volksfreund. Par extension, les résultats du sondage font dire à l’auteur du sondage que la vignette autoroutière menacera drastiquement le chiffre d’affaires des artisans, et avant tout, des petits commerçants.
«Rien que pour la ville de Trèves, les recettes (annuelles) de ces derniers seraient réduites de 16 à 17 millions d’euros, si l’on estime que près de 10 % de la clientèle luxembourgeoise renoncerait à y faire ses achats à cause du péage», analyse encore Stefan Rommelfanger. Soit autant de raisons qui pourraient faire pencher la balance dans le bon sens, à savoir celui voulu par les résidents luxembourgeois, mais aussi celui prôné par les commerçants de Trèves et de sa région.
Claude Damiani
Pour rappel, si la loi entre effectivement en vigueur, les automobilistes étrangers devraient s’acquitter de 2,5, 4, 6, 14 ou 20 euros pour une vignette valable dix jours. Les tarifs pour une vignette de deux mois ont été fixés, dans la loi, à 7, 11, 14, 30 et 40 euros. Tous ces tarifs dépendent du lieu d’immatriculation des véhicules étrangers. Quant aux automobilistes allemands, ils devraient payer moins de taxes automobiles.