Toujours motivé à l’idée de mettre en lumière des ovnis «fragiles» et de défendre l’importance d’un cinéma «physique», le festival du Film Subversif de Metz répond à la crise que traverse le 7e art par un seul mot d’ordre : rassembler.
On dit souvent que ce sont les blockbusters qui vont sauver le cinéma, avec des films taillés pour vampiriser le box-office et faire tinter le tiroir-caisse, genre Top Gun : Maverick ou le sixième volet de Jurassic Park. Mais si finalement le réflexe de retourner dans les salles obscures venait par des gestes plus modestes, moins tape-à-l’œil ? C’est ce que se plaît à espérer le festival du Film subversif de Metz, à l’aube d’une septième édition qu’il porte toujours avec des moyens restreints, mais une générosité sans limites.
Ses arguments? Patrick Thil, adjoint à la Culture de la ville de Metz – principal soutien de la manifestation – les résume, comme tout bon politique, en une formule : «Le cinéma est universel, mais il est resplendissant quand il est singulier.» Une remarque qui pourrait même tenir lieu de devise d’un rendez-vous qui ne fait rien comme les autres, avec sa collection d’ovnis dingues et dérangeants qui, toujours selon l’édile, fait coup double : d’abord, elle s’oppose à la montée d’un «conformisme» ambiant qui «conforte les stéréotypes». Ensuite, elle brise l’élan «individualiste» et la consommation de canapé en célébrant «l’importance du collectif».
Un «besoin social» indispensable
Dans un milieu en pleine crise – «un peu comme le CD face à l’arrivée du streaming», compare Patrick Thil – accentuée par la pandémie et les nouvelles habitudes de consommation, il est donc nécessaire de revenir à un cinéma «physique», incarné par l’esprit «festival», aux intentions bien plus larges que le simple visionnage de films. «Ici, c’est un peu comme pour le spectacle vivant : l’important tient dans le fait de partager les passions, échanger les idées, croiser les regards.» Un «besoin social» indispensable auquel répond, avec espièglerie, la manifestation, concentrée sur trois jours et une vingtaine de séances.
Comme l’avant et l’après sont donc aussi importants que le film en lui-même, le festival multiplie les intentions : un concours de courts métrages, une soirée «blind test», des concerts et, bien sûr, toute une kyrielle de professionnels sur place. «Il n’y a jamais eu autant d’équipes de films et d’invités» que cette année, lâche Charlotte Wensierski, la directrice du festival. Côté jury, la subversion se fait élégante avec la présence de la danseuse Marion Barbeau (qui a fait ses premiers pas devant la caméra dans En corps de Cédric Klapisch). Côté salle, ce ne sont pas moins d’une «dizaine de métiers du cinéma qui sont mis en lumière», du maquillage au montage, de la photographie à la distribution.
En croissance continue depuis ses débuts en 2016, le festival, qui «se développe de manière saine et se fait remarquer à l’échelle nationale» (à travers notamment un partenariat avec l’École nationale supérieure Louis-Lumière et la plateforme numérique Mubi), ne perd toutefois rien de ses fondamentaux : en l’occurrence soutenir la création alternative, surtout quand celle-ci a été rudement chahutée par deux ans de pandémie. «Ce sont des films fragiles» qui n’ont pas su trouver leur public et «qu’il faut amener dans la lumière», martèle Charlotte Wensierski.
Vorace, bizarrerie du cinéma britannique
Ainsi, certains d’entre eux, à l’affiche ce week-end, n’ont jamais été diffusés en France, comme As in Heaven ou Mass, deux premières réalisations qui résonnent avec l’actualité, puisqu’elles parlent de la condition des femmes et des tueries de masse dans les écoles américaines. Moins «cadré» que lors de la dernière édition, où la science-fiction était à l’honneur, le fil rouge se veut cette année plus fou et articulé autour de «genres différents» avec, entre autres, une comédie musicale afro-futuriste, une sorte de monologue théâtral et un western horrifique, énumère la directrice du festival.
Soit Neptune Frost (annoncé comme une prouesse visuelle), Jerk (reconstitution poétique et sombre des crimes perpétrés par le tueur en série américain Dean Corll) et enfin Vorace, bizarrerie du cinéma britannique branchée cannibalisme (avec Robert Carlyle) que le festival «cherche à diffuser depuis longtemps». En dehors notamment du coquin Fritz the Cat et de l’extravagance d’un John Waters (Cecil B. Demented, Hairspray), le festival sait également arrondir les angles quand la situation l’exige en programmant des choses bien plus conventionnelles (C.R.A.Z.Y, Max et les Maximonstres). Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sauver le cinéma!
Festival du Film subversif de Metz
Dès demain et jusqu’à dimanche.
https://subversif.fr