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« Je vais mettre ta tête sur un portail, espèce de musulman »


La scène s'est déroulée au dépôt de la société situé à Hauconcourt, entre Metz et Amnéville. (illustration / capture Google Maps)

À Hauconcourt en Lorraine, un salarié d’une société franco-luxembourgeoise de laverie de voirie a porté plainte contre son patron pour insultes à caractère raciste.

Le patron dément. Il existe pourtant une vidéo sur laquelle l’entrepreneur évoque même une décapitation… La scène a lieu le 13 juillet. Sur le parking d’une société franco-luxembourgeoise spécialisée dans les engins de nettoyage de voirie. Il est 18 h, Mustapha gare son camion au dépôt de Hauconcourt. « J’ai croisé mon patron, j’ai vu à son visage que ça n’allait pas. Il voulait me voir… »

La discussion s’envenime au bout de quelques minutes au sujet du remplissage d’une citerne d’eau. Trois fois, le patron prévient (ou menace?) son agent qu’ils ne sont « que deux ».

Ils sont seuls oui, mais il ignore que le tête-à-tête est enregistré. Ce chef d’entreprise serait un habitué des coups de gueule acides à l’endroit de certains de ses salariés. « Alors, cette fois, j’ai voulu me protéger et j’ai utilisé mon téléphone », indique le salarié. D’abord dans la poche, le portable ne rate rien de ce moment plusieurs fois dérangeant.

On y entend distinctement le boss demander combien « il y a de mètres cubes dans la citerne ? »

– Je ne sais pas, chef , répond Mustapha.

– Vous ne le connaissez pas? Écoutez voir, si Manu (NDLR : un autre employé) vous dit 8 m3 … C’est la parole d’un Français, d’un Français ! Toi, t’es un arabe. Et tu écoutes ce que je te dis, d’accord! »

«Plus jeune, j’aurais peut-être réagi»

Face à un patron qui éructe toujours un peu plus, le salarié ne bronche pas. Téléphone en main cette fois, il reçoit les prochains mots comme un uppercut. Le chef d’entreprise, encore : « Parce que peut-être qu’un jour, c’est moi qui vais te décapiter; et que je vais mettre la tête sur un portail. Espèce de… musulman. »

Père de trois enfants à qui le patron promet un avenir fait « de sandwiches » une fois qu’il sera licencié, le salarié tremble toujours en écoutant ces quelques minutes d’enregistrement que Le Républicain lorrain a en sa possession.

S’il n’a pas réagi sur le moment, « c’est parce que j’ai 36 ans et une famille à nourrir, c’est tout ce qui m’importe. Peut-être que je ne serais pas resté aussi calme plus jeune, je ne sais pas.. C’est la première fois que ce genre de chose m’arrive. De façon aussi violente, en tout cas. »

Mustapha a porté plainte à l’hôtel de police de Metz dès le lendemain, pour insultes à caractère raciste. Le dossier est désormais entre les mains de son avocat, Me Mehdi Zouaoui, et du parquet de Metz.

« Je suis abasourdi par ce qu’on entend sur la bande sonore , réagit l’avocat messin. Le climat actuel fait qu’on colle une étiquette à des personnes qui s’en prennent plein la figure. Elles doivent continuellement se dédouaner. Ce climat est devenu une justification à tous les comportements, mêmes les plus affreux. Notre chance, c’est que le procureur de la République de Metz est très sensible à tous les problèmes de discrimination. Il est proche des associations qui luttent contre ces comportements. »

L’employé est en arrêt maladie. Un médecin a conclu à un syndrome dépressif. Il dit ne plus « pouvoir retourner là-bas. J’en cauchemarde la nuit. Mais il y a les enfants, c’est lui qui me paye… »

Le préjudice « pour mon client est énorme. Il est terriblement blessé et ne sait pas ce qui va se passer demain. Il est doublement victime », considère Me Zouaoui. Contacté lundi, le patron a nié « avoir insulté ce monsieur. »

Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)

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