Un jeudi noir était prévu dans les transports du côté français, donc pour les frontaliers. À la gare de Metz, le chaos n’a pas eu lieu. Sur la route en revanche, quelle cata ! Et c’est parti pour durer.
Il fume sa clope comme on boit un café, Julien. Et pourtant, il n’est pas réveillé. Il est 7 heures, sur le quai 5 de la gare de Metz. L’écran «destination Luxembourg» brille dans la nuit. L’ambiance est étonnement calme par rapport à la cohue habituelle. Les grands espaces sonnent creux. «Donc j’ai 21 ans et je bosse dans la finance à Lux-ville», reprend Julien, après s’être planté sur son âge. «Je m’attendais à un sacré bazar mais je suis surpris.»
Il n’y a que deux trains du matin, contre une quinzaine habituellement. Pourtant, celui de 7 h 16 est à moitié vide. «Peut-être que les gens n’y ont pas cru, lâche Julien. J’ai tenté le train comme un coup de poker et ça a marché!» Pourquoi pas la route? «Parce que la route, c’est l’enfer. Moi les bouchons, je n’en peux plus.» Et puis, un gars pas réveillé au volant, ça doit être dangereux.
Se rendre au boulot à tout prix
Un peu plus loin, bien installé, on tombe sur Philippe, 24 ans. Devinez quoi? Philippe bosse dans une banque. Il est fier : «La KBL, vous pouvez le noter!» Philippe est un vélotaffeur, comme on dit. Il aurait le droit à une médaille remise par François Bausch en personne, après son trajet du matin. «Je suis parti à 5 h 50 en vélo pour attraper ce train, et je l’ai stationné devant la gare. Je n’habite pas à Metz-centre, le covoiturage n’est pas adapté quand on s’écarte des pôles.» Dehors il fait -4 degrés. Il y a du givre, le vent d’est gifle le visage, mais on tombe sur des héros comme Philippe! «Si je pouvais, j’embarquerais le vélo dans le train. Mais les retours sont très pénibles depuis Luxembourg, les trains sont bondés, c’est impossible de rentrer avec un vélo.» On termine la rame avec Robin, 26 ans. Décidément, le Luxembourg embauche les jeunes Lorrains à tour de bras. Robin est philosophe par rapport à la grève. «Je travaille à la Fnac du Royal-Hamilius, mais j’ai travaillé pendant six ans dans un café… en gare de Metz! Sur la masse des trains qui partent, des retards, il y en a toujours. Je le sais, je voyais arriver les voyageurs dépités. Un jour, un monsieur était vraiment triste : il devait aller à Bordeaux pour l’enterrement de son père et le train était annulé.»
Voiture, petites routes, bus…
Sur la route, c’est une autre histoire. Pas de bonnes surprises et même une pagaille prévisible. Les frontaliers, qu’ils viennent du bassin mosellan ou de Meurthe-et-Moselle, ont connu l’enfer.
Malgré l’activation du hashtag #covoit (dont le fameux
#covoitMetzLux) sur les réseaux sociaux, malgré une organisation – trop fragile – en amont dans les entreprises, rien n’y a fait.
«J’en ai bavé ce matin, je ne vais pas tenir longtemps comme ça.» Ce Longovicien a mis plus de deux heures pour arriver au travail en partant à 7 heures. Deux fois plus que la normale! L’avenue de l’Europe, en direction de Pétange, a pris des allures de guirlande de Noël géante (essayons la poésie) avec les phares dans le petit matin.
La situation n’a pas été plus favorable pour les Mosellans. La réceptionniste d’un établissement en Ville raconte. «J’ai mis deux heures pour faire Nilvange (NDLR : vallée de la Fensch) Luxembourg, soit une heure de plus que d’habitude.» Et quel chemin de croix. «J’ai pris la voiture pour rejoindre Frisange par les petites routes dans un premier temps. En surplombant un pont de l’A31, vers 6 h 05, j’ai compris : on voyait des phares à perte de vue.»
Notre interlocutrice a enchaîné avec un bus Frisange-Luxembourg. «Tous les points de passage étaient saturés.» Heure de départ? 5 h 50 pour une arrivée vers 8 heures.
Tenir, mais combien de temps ?
En faisant le tour des entreprises, on se rend compte que sur une journée, chacun a pu s’arranger avec cette grève. Des frontaliers avaient posé un congé, d’autres ont eu (visiblement trop rarement) l’occasion de télétravailler. Problème : la grève va durer. Les syndicats annoncent un bras de fer important et la place de la République de Metz était noire de monde jeudi après-midi pour l’arrivée du cortège. Et donc, tenir, mais combien de temps ?
Hubert Gamelon
Aucun TGV Luxembourg-Paris, mais les CFL ont limité la casse
«C’est très simple. Aucun TGV n’a circulé aujourd’hui entre Luxembourg et Paris.» Contacté jeudi en fin d’après-midi, Alessandra Nonnweiler, porte-parole des CFL, constate les dégâts causés par la grève générale en France. En principe, cinq TGV assurent quotidiennement l’aller-retour entre Luxembourg et la gare de l’Est à Paris.
La situation ne risque pas de s’améliorer ce vendredi. La SNCF a déjà annoncé l’annulation de
90 % des trains à grande vitesse mais aussi de 70 % des trains régionaux. Les travailleurs frontaliers pourraient donc vivre une nouvelle journée noire, même si les CFL ont dès jeudi tout fait pour limiter la casse. En principe, ce sont des équipes mixtes qui roulent sur le matériel CFL engagé sur la ligne Luxembourg-Metz-Nancy. «Le mécanicien vient des CFL, le contrôleur de la SNCF. Pour les trois trains prévus jeudi soir, les contrôleurs français ont été remplacés par des collègues luxembourgeois», indique Alessandra Nonnweiler.
Par contre, les trains en direction de Longwy ont dû s’arrêter à Rodange. Le poste d’aiguillage à Longwy était aussi en grève.
David Marques
Findel : des annulations sur des vols vers Paris et Toulouse
La grève dans le secteur aérien français a eu un impact sur l’aéroport de Luxembourg. La compagnie nationale Luxair avait programmé pour jeudi quatre vols en direction de Paris. Finalement, seul le vol de 11 h a été annulé. Le premier vol de la journée, celui de 7 h 30, est finalement parti à 10 h 15.
Dans le sens Paris-Luxembourg, même constat : trois des quatre vols prévus ont été assurés. La seule annulation a concerné l’avion qui devait partir à 13 h 50.
Chez Ryanair, les deux seuls vols de la journée de et vers Toulouse (20 h 55 et 21 h 30) ont été annulés.
Contacté par nos soins, lux-Airport précise qu’«en cas d’annulations, les passagers concernés seront contactés par la compagnie aérienne». Si le vol est annulé, lux-Airport conseille aux passagers lésés de ne pas se rendre à l’aéroport de Luxembourg, «mais de vérifier avec leur compagnie aérienne comment procéder».
David Marques