L’avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise de 2018 a été adopté en commission des Finances française ce mercredi, explique le député lorrain Xavier Paluszkiewicz. Il modifie une première version élaborée en 2018, qui laissait craindre la possibilité pour l’état français de prélever une forme de « restant à taxer » sur certains salaires frontaliers. Explications.
Quel avenant ?
Posons d’abord les bases du problème pour la compréhension de tous : en 2018, la France et le Luxembourg concluaient une nouvelle convention fiscale où un paramètre concernant l’impôt des frontaliers était en jeu. Jusqu’alors, une méthode dite de « l’exemption » prévalait : le frontalier, prélevé sur son impôt sur le revenu à la source au Grand-Duché, ne pouvait être de nouveau prélevé en France. La nouvelle convention prévoyait une méthode communément appliquée par de nombreux pays dite de « l’imputation ». Celle-ci est recommandée par l’OCDE, pour l’équité entre les états quand un salarié est mobile : l’état A (de résidence) peut prélever l’impôt sur le revenu à hauteur de son barème national après que l’état B (de travail) ait déjà prélevé à hauteur de son barème. En clair, si un frontalier est prélevé à hauteur de 15% au Grand-Duché, mais que la France prévoit un barème de 20% par rapport à ses revenus et sa situation, la France aurait pu prélever les 5% restant. Ce risque pour les frontaliers étaient extrêmement mince, car l’impôt sur les personnes est globalement plus faible en France qu’au Grand-Duché. Notons quoiqu’il en soit, que cette formule ne correspondait en aucun cas à une double imposition, proscrite par l’OCDE : une double imposition donnerait plutôt une situation où l’état A prélève 15% et l’état B prélève 20%… chacun appliquant son barème cumulativement !
Mais des spécialistes de la fiscalité avaient pointé le risque pour des salaires faibles ou des personnes seules, d’être concernés par le « restant à taxer » pour la France. Il y a un an, le gouvernement français et luxembourgeois ont donc signé un avenant pour revenir à l’ancienne méthode de l’exemption, sous la pression montante.
Quelle réaction politique ?
Le député Xavier Paluszkiewicz explique ce mercredi matin, via un communiqué, que la Commission des Finances a adopté le projet de loi de l’avenant. À l’époque, il avait été vivement critiqué, notamment par l’ancien ministre français du Budget Christian Eckert, pour n’avoir pas vu le risque pour certains frontaliers, alors qu’il était rapporteur de la loi et qu’il est élu à la frontière. Il se défend ce mercredi : «Il n’y a pas eu de double-imposition et il n’y en aura pas […] En ma qualité de rapporteur pour avis, je réitère que la rédaction de la version initiale laissait craindre que les travailleurs frontaliers puissent être concernés par la situation décrite au ‘a du paragraphe 1’ (NDLR : l’imputation)». Il dit avoir alerté le ministre des Finances Bruno Le Maire «afin d’obtenir certaines réponses à certaines situations bien spécifiques». Le député explique aussi qu’il avait pris soin d’un échange avec la Chambre des Députés du Luxembourg, « que j’ai tenu personnellement avec le député Laurent Mosar, et à la suite duquel nous convenions de devoir valider la première mouture par les deux chambres nationales et de proposer aux ministres respectifs un avenant par après ».
Xavier Paluszkiewicz estime que la méthode de l’imputation (qui pourtant aurait pu logiquement bénéficier aux finances françaises), aurait quoi qu’il en soit été trop dure à tenir, dans un contexte de multiplication de réformes fiscales, de part et d’autre de la frontière.
Il en profite pour régler ses comptes sur ce dossier épineux vis-à-vis de l’électorat frontalier : « Le débat est définitivement clos n’en déplaise aux consultants dits spécialistes en fiscalité (NDLR : qui avaient lancé l’alerte dans certains titres luxembourgeois) ou à un ancien ministre du budget socialiste, anciennement installé à Bercy qui souhaitaient en tirer quelques bénéfices personnels, financiers ou politiques voire peut-être même les trois à la fois. » Plus haut dans son communiqué, il pointe le fait que «les négociations entamées pour moderniser l’ensemble de cette convention avaient débuté en 2016 sous le précédent gouvernement».
Il nous est impossible de vérifier dans quelle mesure la méthode de l’imputation était déjà en discussion dès 2016. Nous n’avons en revanche aucun souvenir d’une levée de boucliers chez les élus lorrains, Ni chez M. Paluszkiewicz ni chez ses opposants, concernant un risque fiscal au moment de la signature de la convention. C’est plus certainement l’intervention des fiscalistes chez certains confrères, en particulier cet article de Paperjam publié peu de temps après la signature, qui a mis en lumière le problème. Et du coup, le feu au poudre.
Et le télétravail des frontaliers ?
Sur un autre niveau, plus d’actualité, le député déplore que l’avenant ne permette pas de nouvelles avancées sur les paliers fiscaux du télétravail frontalier, qui restent fixés à 29 jours, et non 50 jours comme il le souhaite. Sur ce point, il est indéniable que l’augmentation du palier (= au-delà duquel un frontalier doit payer son impôt sur le revenu en France, et non plus au Luxembourg, pour tout jour de télétravail supplémentaire) aurait un aspect pratique. Mais que cela constituerait de nouveau une perte financière pour l’état français. Avec 29 jours d’impôt offerts au Grand-Duché (les standards internationaux voudraient que la France prélève l’impôt dés le 1er jour télétravaillé sur son sol), la France propose déjà un palier plus généreux que les voisins belge (24 jours) et allemand (19 jours). Il est par ailleurs déjà possible de dépasser ce palier de 29 jours, comme une fiscaliste nous l’expliquait avant même le Covid, pour aller jusqu’aux 50 jours par an, avec un partage plus juste de l’impôt entre les états concernés… mais une certaine gymnastique administrative pour les frontaliers.
Hubert Gamelon