Derrière le succès historique de l’extrême droite française aux premier tour des élections régionales dimanche se profile un homme: Florian Philippot, stratège du Front national et indispensable bras droit de sa présidente Marine Le Pen, est en passe d’emporter la région Grand Est.
Si Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen ont engrangé chacune plus de 40% des voix dans leurs régions respective du nord et du sud de la France, Florian Philippot a fait presque aussi bien dans l’est du pays, avec 36% des suffrages. Sa photo s’affichait lundi en « une » du journal Le Parisien, aux côtés de Marine et Marion, sous le titre « le FN aux portes du pouvoir ».
Né dans une famille d’enseignants en 1981, ce haut fonctionnaire diplômé de deux des plus prestigieuses écoles françaises (HEC et l’ENA) rencontre Marine Le Pen en 2009 et commence à travailler pour elle, d’abord sous pseudonyme. Quand elle succède à son père Jean-Marie à la tête du parti en 2011, il est bombardé vice-président chargé de la stratégie et de la communication pour la campagne présidentielle de 2012.
Une ascension fulgurante qui fait grincer des dents en interne. Regard tombant et éternel sourire en coin, comme il sied à une éminence grise, M. Philippot est dès lors le visage de la stratégie de « dédiabolisation » visant à adoucir l’image d’un parti longtemps taxé d’antisémitisme, de racisme et d’homophobie. Cela passe par l’éviction du père fondateur, Jean-Marie Le Pen, finalement exclu en 2015 après avoir notamment réaffirmé qu’à ses yeux les chambre à gaz nazies constituaient un « détail de l’Histoire » de la seconde guerre mondiale.
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La stratégie s’avère payante: de 11,4% aux élections régionales de 2010, le score du FN grimpe à 17,9% à la présidentielle de 2012, 24,86% aux européennes de 2014, 25,2% aux départementales de mars dernier. Jusqu’au succès « historique » de dimanche où le parti d’extrême droite obtient plus de 27% des voix et pointe en tête dans six régions sur 13, du jamais vu. Main soudée à son smartphone, Florian Philippot est un véritable stakhanoviste des médias, toujours disponible – y compris le 1er janvier au matin – pour marteler la ligne du Front.
L’Europe pour cible favorite
Il y fustige pêle-mêle les « mesurettes » du gouvernement socialiste, « l’obsession maladive » des dirigeants politiques français à l’endroit du FN, l’euro, « condamné », ou l' »hyper-capitalisme » du patronat. Mais sa cible favorite est l’Union européenne, et notamment sa politique vis-vis des migrants: « C’est l’Europe de la schlague, l’eurodictature », a-t-il vilipendé récemment. Si cette omniprésence exaspère parfois au sein de son parti, en interne tous reconnaissent ses qualités: structuré politiquement et bon débatteur. « Il est à la base d’un certain nombre de succès du FN », lui accorde un dirigeant. Même Jean-Marie Le Pen, dont il est la bête noire, l’a un jour jugé « brillant ».
Florian Philippot, qui avait soutenu un souverainiste de gauche, Jean-Pierre Chevènement, à la présidentielle de 2002, n’a pas l’ADN de l’extrême droite: plus étatiste économiquement, moins conservateur sur les questions de société, il est accusé par ses détracteurs d’être le chef de file d’un « lobby gay » au FN. Celui qui n’a « jamais » voté pour Jean-Marie Le Pen continue de susciter la méfiance au sein de son propre parti, où le moindre faux pas est guetté. Certains dirigeants du FN prédisent d’ailleurs, à moyen ou à long terme, sa « fin », et rêvent de voir Marine Le Pen remettre à sa place ce « gourou », qui travaille à renforcer sa stature présidentielle en vue de 2017. « Elle le défend à mort », balaie, dépité, un apparatchik frontiste.
Ce natif du Nord, habitué des plateaux de télévision parisiens, ne débordait pas d’enthousiasme à l’idée de s’implanter dans la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, où il a été parachuté pour les élections législatives en 2012. Sa victoire n’y est pas acquise au second tour des régionales le 13 décembre, mais son succès élevé au premier, venu s’ajouter à une élection comme eurodéputé en 2014, pourrait conforter son assise face à ses détracteurs internes.
AFP
« Retrait du PS ou pas, le FN peut gagner dans tous les cas »
Le Front national « peut envisager la victoire » dans le Grand Est « dans tous les cas, quelle que soit la configuration » au second tour, c’est-à-dire avec ou sans le maintien du candidat PS, a dit lundi Florian Philippot. « Nous sommes dans une telle dynamique -à condition de faire une bonne campagne cette semaine, et on y travaille- qu’on peut envisager la victoire dans tous les cas, quelle que soit la configuration », a commenté M. Philippot.
En décidant de se maintenir au second tour malgré les consignes de la direction nationale du PS, le candidat socialiste Jean-Pierre Masseret « a tenu ses engagements », car « il n’avait eu de cesse d’annoncer à ses électeurs qu’il les respecterait en étant présent au 2e tour », a observé M. Philippot. « Il a tenu ses engagements, c’est tout à fait classique, en tout cas ça devrait l’être. Ce qui est surprenant, ce sont les désertions et l’abandon des électeurs » par le PS, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca, a estimé le bras droit de Marine Le Pen. « Si le modèle du Parti socialiste, c’est la désertion, le retrait, alors on ne sait plus très bien à quoi sert le PS », a-t-il ajouté.