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Bure : la décision de la justice attendue


La justice rend jeudi sa décision dans le procès de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), assignée par des associations autour d’un projet controversé de poubelle nucléaire ultranocive dans la Meuse.

Dans le viseur du réseau Sortir du nucléaire et de cinq associations locales : Cigéo, un site unique en France où seraient enfouis les déchets radioactifs les plus dangereux du pays pour des dizaines de milliers d’années. Les antinucléaires, qui assignent l’Andra pour « faute » à Nanterre, l’accusent d’avoir menti en sous-estimant volontairement la richesse des lieux – des nappes souterraines d’eau chaude – pour faciliter l’implantation du futur centre dans cette zone rurale aux confins de la Haute-Marne.

Enfoui à 500 mètres sous terre dans une roche argileuse imperméable, notamment sous le petit village de Bure, ce tombeau hermétique accueillerait seulement 3% du volume total des déchets radioactifs produits dans l’Hexagone. Mais ces 3% donnent le tournis : ils concentrent à eux seuls plus de 99% de la radioactivité totale des déchets français. Les plus nocifs peuvent le rester plus d’un million d’années et leur seul refroidissement nécessite 60 à 70 ans.

Pour ses défenseurs, le stockage profond permettrait de décharger les générations futures de la gestion de ces déchets « de haute activité » et de « moyenne activité à vie longue ». Ses détracteurs craignent pollution et failles de sécurité.

L’autorisation de Cigéo est encore loin d’être acquise. L’Andra espère un feu vert du gouvernement vers 2020, en vue d’une exploitation progressive à partir de 2025.

Et dans 100 000 ans ?

Or, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exclut une telle entreprise sur tout site en France présentant « un intérêt particulier » pour la géothermie. Depuis plus de 11 ans, les anti-Cigéo tentent donc de démontrer le potentiel géothermique « exceptionnel » du sous-sol de Bure. Au regard d’études qu’elle a diligentées en 2007-2008, l’Andra estime qu’il existe « un potentiel géothermal banal » dans la zone de 30 km² étudiée.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a aussi estimé en 2013 qu’au vu de ces tests, le potentiel géothermique de Bure n’était « pas de nature à remettre en cause le choix du site d’implantation du projet Cigéo », au regard des critères de l’ASN. Les associations contestent la précision de ces études et réclament des forages plus profonds. En 2013, une contre-expertise de Geowatt, un bureau d’études suisse, avait conforté leurs doutes.

Elles espèrent la condamnation symbolique de l’Andra. « Il s’agit de la crédibilité de l’Agence », martèle leur avocat, Me Etienne Ambroselli, qui réclame 3 000 euros par association.

L’Andra réfute les accusations de mensonge. Ce que les associations « demandent aujourd’hui, l’information sur la qualité de la géothermie du site, est déjà mis en œuvre », avait plaidé début janvier l’avocat de l’Andra, Me Jean-Nicolas Clément, demandant aux juges de débouter les plaignants.

Dans leur argumentaire contre l’Andra, les antinucléaires brandissent en outre un élément imparable: l’oubli. L’ASN évalue à environ 500 ans la « perte de mémoire de l’existence du stockage »: l’exploitation de Cigéo est prévue pour durer au moins un siècle, mais qui se souviendra de sa présence 100 000 ou 200 000 ans après sa fermeture ? Les hommes risqueront alors de perforer les déchets par mégarde s’ils forent pour atteindre l’eau chaude qui se trouve au-dessous.

L’Andra, elle, ne voit aucune « incompatibilité entre le fait de construire Cigéo et une exploitation géothermale après fermeture », avait expliqué à Frédéric Plas, son directeur de la recherche et développement, assurant que l’Agence « étudie les conséquences de ces forages » dans le cadre « d’analyses de sûreté portant sur un million d’années ».

AFP