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Attaque du fourgon blindé à Metz : dix ans d’enquête et après ?


Le fourgon blindé a été pris en tenaille par deux voitures qui l’ont percuté à l’avant et à l’arrière. (Photo : Archives RL)

Le 15 janvier, date d’un triste anniversaire. Cela fait dix ans qu’un convoyeur a perdu la vie dans une attaque à l’explosif menée contre un fourgon, à Metz. La PJ enquête toujours. Les victimes espèrent un signe de la justice.

Le temps est au gris, ce 15 janvier 2007. Il n’est pas encore 14h. Dans les locaux de Securitas, les deux fourgons blindés de la tournée du lundi s’apprêtent à quitter la rue Dreyfus-Dupont, à Metz-Nord. L’un est rempli d’argent frais attendu à la Banque de France. L’autre est vide.

Un instant plus tard, à un kilomètre de là, le camion de Joël Arbogast et ses deux collègues est pris en tenaille rue des Frères Fournel. Une R25 percute le fourgon par l’arrière. Une BMW le percute à l’avant. Les tirs de Kalachnikov s’abattent sur les parois blindées. Les trois convoyeurs se réfugient à l’arrière. Une charge explosive est placée sur la porte latérale. L’explosion est fatale à Joël Arbogast, 47 ans.

Un canon passé par le trou dans le blindage menace les survivants. On leur hurle de « balancer l’argent », mais il n’y a rien à voler dans le fourgon. Les braqueurs mettent le feu aux véhicules béliers. Et prennent la fuite à bord d’un break Audi RS6. Jamais la Lorraine n’avait été foudroyée par une telle opération commando préparée avec autant de précision. Il ne faut pas se laisser aveugler par le résultat et penser que les auteurs sont des pieds nickelés.

Les millions sont passés un quart d’heure plus tôt

S’ils sont repartis les mains vides ce jour-là, c’est parce qu’au dernier moment, les deux fourgons ont interverti leur ordre de départ. L’un était prêt, l’autre pas. Les millions sont passés un quart d’heure plus tôt.

Personne n’a oublié ce braquage sanglant. C’est même devenu une obsession pour tous ceux qui l’ont approché. Cela fait dix ans aujourd’hui que les survivants de l’attaque attendent de voir les visages de ceux qui étaient cachés sous des cagoules.

Cela fait dix ans que les hommes de la police judiciaire assemblent, une à une, les pièces du puzzle. Aujourd’hui, celui-ci est conséquent, précis. Assez pour laisser espérer aux avocats des parties civiles que la justice va finir par prendre ses responsabilités, et mettre en examen ceux dont le rôle apparaît nettement dans la volumineuse procédure.

Des informations mais pas d’éléments objectifs

Après leur forfaiture, les braqueurs ont remonté plein pot l’A31 jusqu’au triangle de Richemont, où ils ont bifurqué sur l’A30. Après le viaduc de Rehon, le break noir à la vitre arrière brisée est sorti à Longwy et a poursuivi son chemin sur la RD 29B. Il a ensuite tourné à droite vers La Malmaison pour entrer en Belgique.

La voiture est retrouvée calcinée à 15h30 au carrefour de Menuchenet, à côté de Bouillon. Cet endroit n’est pas un détail. Il n’y a qu’une propriété. Et on sait que des Mosellans au profil séduisant ont été, avant les faits, en relation avec le propriétaire des lieux.

Mieux, lors de perquisitions, a été saisi chez l’un d’eux un itinéraire suivant le chemin de fuite du véhicule des braqueurs. Lorsqu’on sait que ces Mosellans étaient en lien étroit avec un ancien convoyeur de la société Securitas, on peut les voir comme les concepteurs et préparateurs du projet. Un hic, quand même : le meneur du groupe est mort en 2010 d’une longue maladie.

S’ils ont organisé le braquage, d’autres l’ont mené sur le terrain. Les braqueurs ont laissé peu de traces derrière eux. Mais de bons renseignements sont arrivés rue Belle-Isle, au QG de la PJ de Metz. Ils mènent vers Roubaix et la Belgique, terres de braqueurs de fourgon chevronnés. Des indics ont livré des noms. Des pièces relient ceux-ci avec la Moselle. Certaines paraissent trop grosses pour n’être que le fruit du hasard.

Depuis dix ans, les juges d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Nancy se sont succédé sans décider de la moindre mise en examen. « Manque d’éléments objectifs », répond-on. Il n’y a pas d’ADN. La téléphonie ne matche pas, et ce n’est pas une surprise à la vue des pedigrees des uns et des autres. Demeure pourtant le sentiment que la justice a beaucoup de choses sous la main. Les victimes attendent.

Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)