Sébastien Spaeth, originaire de Montigny-lès-Metz, et sa famille ont fui il y a quelques jours la ville de Wuhan (Chine) où est née la crise du coronavirus. Ils sont en quasi-quarantaine dans un hôtel à 1 200 km de chez eux dans le Sichuan, et viennent de demander à rentrer en France. Récit d’une vie de paria.
Sébastien, son épouse chinoise et sa fille de 5 ans et demi ont quitté Wuhan avec deux jours d’avance, mardi dernier. L’école qu’il dirige, où sont scolarisés 85 enfants de la petite section à la classe de première, est fermée depuis deux jours.
« On nous a appelés pour nous dire de nous dépêcher parce qu’il ne serait plus possible ni de sortir de la ville ni de rentrer à partir de 10h. On a pris la route pour aller dans ma belle-famille mais rien ne fut simple », témoigne le directeur de l’École française internationale de la ville chinoise de 11 millions d’habitants, où la crise du coronavirus qui inquiète le monde a débuté il y a trois semaines.
« Ici, presque tout le monde porte un masque »
Depuis plusieurs jours déjà, l’atmosphère de Wuhan avait changé du tout au tout. « Ici, presque tout le monde porte un masque dans les rues. Des caméras thermiques sont installées dans toutes les gares et à l’aéroport de Wuhan pour vérifier la température de tous les voyageurs. Des désinfections de très grande envergure sont mises en place dans les grandes surfaces », raconte par téléphone Sébastien, 47 ans, qui a vécu à Montigny-lès-Metz puis Châtel-Saint-Germain jusqu’à l’âge de 23 ans.
« Nous sommes devenus des pestiférés »
Mais c’est au péage de Rongxian (Sichuan), leur ville d’arrivée, après 13 heures de route, que les Spaeth ont compris qu’ils étaient désormais des pestiférés. « Quand l’opératrice voit que nous venons de Wuhan, il nous faut alors plusieurs minutes pour que nous puissions payer notre droit de quitter l’autoroute, le temps sans doute d’organiser notre vérification. »
Vingt mètres après le péage, des policiers les interceptent. « Ils me demandent de baisser toutes les vitres de la voiture, et une personne emmitouflée comme une infirmière dans un bloc opératoire nous scanne tous les trois de son pistolet-thermomètre. Lyz, ma femme, était trop habillée dans la voiture et a trop chaud. Sueurs froides. Lyz sort, retire son manteau, répond à un questionnaire et, quand le pistolet la scanne à nouveau, sa température a baissé. »
« Nous avons demandé à être rapatriés en France »
Depuis, ils vivent en quasi-quarantaine dans leur chambre d’hôtel. « Et encore, en arrivant, un homme a vu notre plaque de Wuhan et a demandé à la réceptionniste de l’hôtel ce qu’elle comptait faire. Elle a été habile », explique Sébastien.
« Nous ne sommes pas confinés, mais ça y ressemble. On a pu aller voir la famille de ma femme mais immédiatement, ils sont aussi devenus infréquentables. Aucun ami de Lyz n’a souhaité nous rencontrer. Ses amis obéissent aux consignes strictes du gouvernement. Les seules personnes que nous avons croisées sont mes beaux-parents, qui sont désormais assignés à résidence pendant deux semaines. Nous avons attendu longtemps que des médecins viennent nous ausculter, mais ils ne sont curieusement pas venus. »
Les Spaeth viennent de demander à être rapatriés vers la France.
« Comme nous ne sommes plus à Wuhan, nous ne sommes pas prioritaires. Je ne sais pas combien de temps nous allons continuer notre vie de pestiférés. Bon, je suis un peu immunisé. À Chengdu, j’ai vécu le grand séisme, à Shenzhen, le typhon. La boucle est bouclée avec le coronavirus à Wuhan ! »
Alain Morvan (Le Républicain Lorrain)