Euphorie dimanche soir dans le camp libéral : en renforçant ses scores partout dans le pays et en raflant deux sièges supplémentaires au Parlement, le parti s’impose comme incontournable.
Les électeurs luxembourgeois l’ont, une nouvelle fois, plébiscité : le parti emmené par le Premier ministre, Xavier Bettel, signe son troisième succès électoral, après être sorti premier des urnes aux européennes en 2019, et avoir été le seul à percer aux communales en juin dernier, raflant 26 mandats supplémentaires.
Et cette fois-ci, le DP réussit un véritable tour de force : il augmente ses scores dans les quatre circonscriptions du pays et double le LSAP dans la dernière ligne droite, alors que les sondages voyaient déjà Paulette Lenert propulsée Première ministre. Au final, ce sont 14 sièges du Parlement qui prennent la couleur bleue à l’issue de ces législatives, soit deux de plus.
«Une reconnaissance du travail accompli»
Réunis hier soir dans le décor chic et cosy du Chouchou – des espaces événementiels branchés – dans le quartier de Hollerich à Luxembourg, les libéraux ont surtout pris cette victoire comme une récompense de leurs efforts ces cinq dernières années, en première ligne face aux crises successives – pandémie de covid, guerre en Ukraine et inflation galopante.
À l’image de la secrétaire générale du parti, députée sortante et tête de liste dans l’Est, Carole Hartmann, qui se réjouit de voir son engagement et celui de son équipe «confirmé» : «C’est très positif, les électeurs nous renouvèlent leur confiance.
Pour moi, leur vote traduit une reconnaissance de notre travail accompli à la fois au gouvernement et au Parlement», note celle qui a été couronnée bourgmestre d’Echternach aux communales, et qui double quasiment son score personnel par rapport à 2018.
Même sentiment pour le ministre Claude Meisch, tête de liste dans le Sud et réélu, qui souligne que le pari est gagné, avec un siège de plus au compteur pour sa circonscription.
Hahn et Meisch, duo gagnant
Le challenge était de taille pour les têtes de liste Claude Meisch et Max Hahn dans la circonscription Sud : maintenir les trois sièges du DP malgré l’absence de Pierre Gramegna et ses 18 000 suffrages, et celle d’Eugène Berger, disparu brutalement en 2020, et qui avait été élu avec 11 000 voix. Le duo voit ses efforts récompensés et remporte un siège de plus dans cette région électorale, au détriment des verts.
«On arrive à +2, 32 % dans ma circonscription, donc nous sortons clairement consolidés de ce scrutin. Ce qui était loin d’être gagné puisque, comme vous le savez, certains de nos poids lourds ne sont plus là, et notre équipe a été renouvelée pour moitié», commente Claude Meisch.
Max Hahn lui grille la priorité et se hisse à la première place, avec un score gonflé de plus de 8 000 voix par rapport à 2018, là où son collègue affiche à peine un millier de suffrages supplémentaires. Suivent le député sortant Gusty Graas et Lux Emering, élu pour la première fois. Barbara Agostino le talonne, mais Pim Knaff se fait distancer dans le classement.
«Pas douze ni treize, mais quatorze sièges!»
Dans une ambiance de club un soir de Coupe du monde, Xavier Bettel a fait son entrée tout sourire, les bras levés, sous les applaudissements de centaines de ses supporters. Sous les projecteurs de l’estrade, main dans la main avec Lex Delles, ministre et président du parti, il a savouré son statut de vainqueur : «Ce soir, nous sommes, parmi les grands partis, le seul à gagner des sièges. Et nous n’en avons pas douze ni treize, mais quatorze!», a-t-il lancé sous les hourras.
À notre micro, il s’est dit «heureux» : «On nous disait en perte de vitesse, et finalement, nous sommes le groupe sortant du gouvernement qui gagne le plus de sièges au Parlement. Ça me fait plaisir, d’autant que mon score personnel est très bon», note-t-il, affichant 34 018 suffrages, soit 3 244 de plus qu’il y a cinq ans.
Bettel pas prêt à céder sa place
Ce qui le place devant son rival du CSV, Lux Frieden, qui plafonne à 30 999. De quoi revendiquer le poste de Premier ministre en cas de coalition avec les chrétiens-sociaux? «Ce n’est pas aujourd’hui que je négocie ça», botte-t-il en touche.
La question va pourtant vite se poser puisque la coalition sortante n’a plus de majorité au Parlement, et que le DP n’envisage pas d’être écarté des responsabilités : «Vu les résultats de mon parti et mon score personnel, je pense que les électeurs veulent qu’on fasse partie du prochain gouvernement», martèle le Premier ministre, pas prêt à céder sa place.
«Le CSV n’arrive pas à se renouveler»
La fête a battu son plein jusque tard dans la soirée, avec des militants ravis : «Le DP a une super équipe, un bon programme, et ça porte ses fruits», commente Liliane, venue de Wormeldange avec son mari. Dans sa circonscription, ce sont Lex Delles et Carole Hartmann qui portent les libéraux, deux jeunes pousses qu’elle apprécie particulièrement : «C’est la relève, et ils sont brillants tous les deux. Le CSV, lui, n’arrive pas à se renouveler», attaque-t-elle.
Le goût amer du score de l’ADR
La joie de passer la ligne d’arrivée avec de bons résultats avait tout de même un goût amer, face à la montée de l’ADR : «C’est effrayant», poursuit Liliane. «On pensait que les pirates allaient grimper, mais pas eux. Douze partis, pour moi c’est le signe d’une société fragmentée et mal à l’aise», analyse-t-elle.
Militant à Hesperange, David aussi avoue tomber de sa chaise en voyant l’ADR percer : «C’est vraiment surprenant. Je pense que le contexte économique et social a pesé. Beaucoup de personnes souffrent et blâment les partis au pouvoir. Pour moi, c’est un vote de rejet avant tout», juge le trentenaire.
Enfin, pour le président de la Chambre des députés, Fernand Etgen, qui signe un très bon score à la tête de la liste du Nord, c’est la tristesse qui domine : «On était toujours fiers au Luxembourg de ne pas avoir de partis extrêmes au Parlement, mais ce n’est plus le cas désormais», soupire-t-il.
Backes émue, Cahen en difficulté
Yuriko Backes vivait sa première élection hier soir, les larmes aux yeux : «C’est très fort. C’est un travail d’équipe extraordinaire. On a un super bilan, plein d’idées et un leader qui assure pour porter le parti.»
Dans cette équipe qui gagne et dans une circonscription Centre qui rafle un siège supplémentaire, l’ex-ministre Corinne Cahen décroche son ticket pour la Chambre des députés en se faisant lourdement sanctionner par les électeurs : elle perd plus de 3 000 voix par rapport à son score de 2018.
La nouvelle échevine de la capitale est la seule de sa liste à accuser un tel recul. Tous les anciens candidats progressent, sauf le député sortant Frank Colabianchi, tout juste stable avec 13 voix perdues.