Accueil | Editoriaux | Une réponse de Normand

Une réponse de Normand

En France, les Normands n’ont pas toujours très bonne réputation lorsqu’il s’agit de leur arracher une réponse tranchée. Il existe même une expression, usurpée ou non, qui qualifie leur avis de «réponse de Normand», illustrée par la célèbre expression «p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non». L’avantage de cette stratégie du langage, c’est qu’elle donne forcément raison à celui qui l’emploie. Il peut même se vanter d’un «je vous l’avais bien dit» puisqu’il est certain de ne pas se tromper.

Un particularisme régional français qui semble bien avoir inspiré le CSV pour le référendum du 7 juin. Alors que tous les partis affichent clairement leur position, avec des «non» et des «oui» qui ne trompent pas, le CSV choisit de ne pas répondre aux questions posées. «P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non» est une traduction assez fidèle du message renvoyé par ses affiches visibles partout dans le pays.

Devant les bureaux de vote qui accueilleront les Luxembourgeois dans trois semaines, le message du parti surprend et est surtout illisible. «Informez-vous», comme si le CSV était incapable de trancher. Mais la stratégie est plus insidieuse. En n’affichant pas clairement son choix, le parti détourne les électeurs des vrais enjeux du référendum. Son discours public est pourtant très clair sur la question du droit de vote des étrangers.

Le 7 juin au soir, il pourra dire qu’il avait raison et se poser en donneur de leçon, que le «jo» ou le «nee» l’emporte sur les trois questions posées. Un bas stratagème politique qui n’a aucun sens lorsqu’il s’agit d’un référendum, où seules les réponses tranchées pèsent. Mais ainsi va la vie politique où les réponses molles, les prises de position équidistantes sont souvent des garanties d’une réussite propre aux donneurs de leçons. Le 7 juin, certains partis n’auront pas fait gagner leurs idées, d’autres triompheront.

Au milieu, le CSV aura réussi sa stratégie de désinformation et n’aura pas levé le doute sur ses motivations profondes. Les Français ont cette fameuse «réponse de Normand». Les Luxembourgeois vont-ils inventer la «réponse style CSV»?

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)