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Un rival dézingué

Le coup de feu est passé. Evgueni Prigojine a rendu son tablier. Du moins, selon toute vraisemblance, lui a-t-on retiré. Le «cuisinier de Poutine», artisan boucher sur le front ukrainien, spécialité «hachoir à viande», est présumé mort dans le crash de son avion survenu mercredi en rase campagne moscovite. Avec lui, les principaux cadres du groupe Wagner. Notamment son gros bras droit Dmitri Outkine, dont on ne connaissait que le visage austère et les symboles nazis tatoués sur le corps. Du beau monde, pour lequel personne ne versera une larme. Sinon les quelques illuminés venus déposer bougies et fleurs à Saint-Pétersbourg, quartier général de la milice dite privée – entièrement financée par l’État.

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Le jet est tombé comme une mouche, dézingué par ce que les experts aéronautiques attribuent à un missile de défense antiaérienne. Bien sûr, l’on ne sait pas grand-chose des circonstances de «l’accident». Il y a d’ailleurs fort à parier qu’on n’en sache jamais rien. Ce dont on peut être certain, en revanche, c’est que les coïncidences n’existent pas dans la Russie de Vladimir Poutine. Que les traîtres à la patrie payent au plus fort le prix de leur félonie. Et le malfrat de bas étage, devenu businessman milliardaire, faisait figure d’homme à abattre. Le commis s’est pris pour le chef. Prigojine trimbalait une cible dans le dos depuis un bon moment. Avant même sa rébellion tuée dans l’œuf en juin, sa langue étant bien trop pendue. Invectivant et insultant les plus hauts responsables de l’état-major, jusqu’au président qualifié – entre les lignes – de «grand-père» flemmard. Pantouflant dans ses fastueux palais au lieu de faire marcher ses troupes au pas.

L’incontournable mercenaire, occupant l’espace médiatique jusqu’à cette vidéo diffusée lundi soir dans laquelle il affirmait se trouver en Afrique, a poussé la tentation du pouvoir trop loin. Le chien fou à la rhétorique populiste aurait pu séduire des citoyens aux abois. Le commentaire de Kiev résume parfaitement la situation : cette opération, aussi spectaculaire que spéciale, est «un signal à l’élite russe avant l’élection de 2024». Une bonne vieille recette qui fait la renommée de la brigade du Kremlin. Les seconds couteaux doivent rester à leur place.

Alexandra Parachini