Ils sont trop forts ces Britanniques. Ils n’avaient pas autant attiré les regards européens depuis le célèbre «I want my money back!» de Margaret Thatcher en 1979. Ils n’ont pas cessé, avec leur esprit insulaire si caractéristique, de cultiver une relation d’amour-haine avec l’Europe. Leur côté pragmatique leur intime l’ordre de rester unis avec les partenaires du continent, mais leur cœur leur dit que leur royaume est une entité à part.
Ajoutons à cela une presse vouée à un euroscepticisme caricatural et des politiciens qui n’ont de cesse de blâmer Bruxelles pour toutes leurs erreurs. Le cocktail est explosif. David Cameron, lui-même eurosceptique notoire, en vient à supplier le peuple de rester raisonnable, tandis que Boris Johnson tente de tirer parti des oppositions en interne du Parti conservateur.
Demain, les Britanniques devront prendre leur destin en main. Et faire un choix. Celui du statu quo, qui paraît être la solution la plus raisonnable, ou celui de quitter l’Europe pour l’inconnu. Les partisans du Brexit exhortent le peuple britannique à regagner son indépendance. Mais de quoi parlent-ils? Il semble évident que les Écossais ne seront pas d’accord avec une sortie de l’UE, et que les Nord-Irlandais refuseront que l’Union européenne s’arrête à leur porte. Opter pour le Brexit revient à signer l’arrêt de mort du Royaume-«Uni», après avoir divisé l’Europe.
Quelle qu’en soit l’issue, ce référendum doit être un électrochoc pour une Europe sclérosée et plus divisée que jamais. Les 27 autres États membres de l’UE doivent pourtant se montrer fermes face à un trublion qui a toujours voulu un traitement de faveur, mais aussi prendre cette épreuve comme une occasion de se mettre autour d’une table afin de discuter ce qu’ils veulent faire ensemble.
Comme à un repas de famille, les discussions risquent d’être houleuses : il va falloir repenser un projet qui se base sur de belles valeurs, mais qui a perdu en chemin ce pour quoi les Européens se sont unis en premier lieu.
Brexit ou pas, les Britanniques auront au moins le mérite de réveiller malgré eux une Europe qui a bien besoin d’un nouveau souffle.
Audrey Somnard