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Un jeune homme fragile

Les fusillades dans les lycées sont une triste habitude aux États-Unis, et elles n’ont jamais remis en cause le sacro-saint port d’armes qui reste gravé dans la Constitution américaine. Mais quand cela se passe en France, cela interpelle. Tout d’abord parce qu’il est bien plus difficile de se procurer des armes, et encore plus quand on est un simple lycéen. Killian a ouvert le feu sur son proviseur dans son lycée de Grasse et a créé un vent de panique, avant d’être un peu plus tard arrêté par la police. Vivant. C’est encore plus inhabituel puisqu’il s’agit bien souvent de personnes suicidaires qui n’ont pas l’intention de se rendre à la police.

Bien évidemment, les médias se sont jetés sur cette affaire en allant fouiller le passé numérique du jeune homme. En quelques photos et statuts publics sur Facebook, on peut désormais en déduire beaucoup sur une personne et faire à la télévision son pseudo-profil psychologique sans trop se fatiguer. On a pu voir par exemple sur BFMTV «l’acte fou d’un jeune homme fragile». On aurait presque envie de le câliner avec un titre pareil, le pauvre, ce n’est sûrement pas de sa faute.

Bizarrement, à aucun moment quelqu’un a évoqué un attentat terroriste, ou mentionné l’auteur comme pouvant être potentiellement un terroriste. Mais non, il s’appelle Killian voyons, un blanc ne peut pas être terroriste, il est forcément «fragile», c’est tout. Quelques photos de violence sur les réseaux sociaux, emballé c’est pesé, il a trop joué aux jeux vidéo étant jeune, c’est fini. Prenons juste quelques instants à imaginer la même scène et apprendre que l’auteur des faits a un nom à consonance disons nord-africaine tendance Moyen-Orient. La couverture de cette fusillade tragique aurait certainement pris une autre tournure, et il n’aurait pas fallu longtemps avant qu’on qualifie l’auteur et le mobile de «terroristes». Killian n’avait peut-être pas de mobile politique ou idéologique qui le classe parmi les terroristes, mais la «fragilité» a bon dos.

Audrey Somnard

Un commentaire

  1. Ben on ne peut que vous donner raison : pas un dans les médias pour dire que Ziyed Ben Belgacem était un garçon fragile… et vu le nom, c’est pas un « Dupont-Lajoie » blanc et bien juteux.
    Ce monde est décidément trop injuste.