Un homme ordinaire

C’est l’histoire simple d’un homme ordinaire que nous a contée Benoît Bringer, réalisateur de «Dans la peau d’un lanceur d’alerte», diffusé hier dans l’émission Envoyé spécial sur France 2. L’histoire de Raphaël Halet, salarié de la société PwC, qui a un jour décidé de raconter ce qu’il constatait au quotidien, soit l’évasion fiscale à grande échelle de multinationales.

Dans ce documentaire, point d’effets ni de pathos, juste la reconstitution brute des faits, tels qu’ils ont été vécus par Raphaël Halet et son épouse. De simple employé, il est devenu du jour au lendemain lanceur d’alerte, ce statut qui n’a pas vraiment de valeur, mais qui est applaudi par les puissants. Sans aucune préparation, sans aucune arrière-pensée, l’homme ordinaire a été pointé du doigt. Comme héros ou comme voleur, selon les points de vue.

Chaque image montre qu’il n’a agi que dans l’intérêt général, sans arrière-pensée, au point d’être emporté dans un tourbillon qu’il ne pouvait voir venir. «Dans la peau d’un lanceur d’alerte» rappelle l’histoire de Jeffrey Wigand, lanceur d’alerte face à l’industrie du tabac, dont l’histoire a été adaptée au cinéma par Michael Mann dans The Insider .

Le documentaire de Benoît Bringer est un film noir, réalisé à partir d’un scénario qui semble à peine envisageable, celui de l’affaire LuxLeaks. Ou quand l’improbable devient réalité, quand les méthodes de barbouzes deviennent celles de la justice. La minutieuse reconstitution laisse poindre les failles de l’enquête, les excès des puissants face aux faibles.

Elle montre le rouleau compresseur qu’a enclenché Raphaël Halet lorsqu’il a mis à la disposition du journaliste Édouard Perrin les documents de PwC. Elle montre aussi la force de l’homme et de ses convictions, capable de remettre en cause sa vie pour défendre des idéaux plus grands que lui. La présence, à ses côtés, de son épouse, montre que la force qui les porte dépasse les épreuves judiciaires. Car, intimement, ils savent qu’ils ont raison. Comme Antoine Deltour, comme Édouard Perrin. Que cette vérité révélée au monde était indispensable.

Christophe Chohin