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Sous pression

Si l’on ne pose pas la question à leurs homologues masculins, les femmes politiques sont scrutées sous l’angle de la maternité. Sont-elles de bonnes mères ? Et si elles n’ont pas d’enfant, ce statut est passé à la loupe, sûrement ces femmes-là ont manqué quelque chose dans leur vie, leur fait-on remarquer. Elles font l’objet de tant d’interrogations et de pression, que ce week-end la Première ministre d’Écosse a abordé le sujet dans une interview. Nicola Sturgeon, 48 ans, a admis publiquement avoir subi une fausse couche à l’âge de 40 ans alors qu’elle s’apprêtait à révéler sa grossesse à ses proches. Un secret qui était jusqu’alors bien gardé, mais elle a décidé de revenir sur cet épisode douloureux de sa vie.

Elle espère avec cette interview que la problématique des fausses couches va devenir moins taboue dans notre société, et elle en profite pour faire aussi clairement allusion à la pression qu’elle a subie pour se justifier de sa non-maternité, et des limites qui sont posées à sa vie privée. Nicola Sturgeon, comme ses consœurs – la Britannique Theresa May et l’Allemande Angela Merkel – ont en commun de ne pas avoir d’enfants. La Britannique a déjà confessé publiquement qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant et que cet échec avait été un grand regret dans sa vie. Cela permet peut-être de rendre ces femmes plus «humaines» aux yeux du grand public, mais cela les rend-elles meilleures politiciennes? C’est à en douter.

Non seulement la pression de se conformer à un idéal de maternité est rétrograde et intrusif, mais cela pose également un autre problème. Interrogée sur le fait qu’un enfant aurait pu divertir Nicola Sturgeon de sa brillante carrière, cette dernière a répondu que si elle pouvait retourner 20 ans en arrière et faire le choix de devenir mère, elle le ferait. Mais à un «détail» près. Pas au prix de sacrifier sa carrière. Comme si encore en 2016, la venue d’un enfant sonnait le glas, pour une femme, d’une ascension au sommet d’une entreprise ou d’un parti politique. Ne soyons pas naïf, pour nombre d’entre elles, c’est toujours le cas.

Audrey Somnard (asomnard@lequotidien.lu)