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Shein, le beau miroir

«Elle est canon ta petite robe noire ! Tu l’as trouvée où ?» «Merci ! Je l’ai commandée sur Shein. Tu ne connais pas ? Viens, je te montre.» D’un scroll de smartphone-baguette magique, la fée Cassandre faisait voler en éclats tous mes principes en faisant défiler sous mes yeux des centaines de robes différentes à des prix défiant toute concurrence. J’étais une gamine dans un magasin de bonbons. Tout me faisait envie. Une, deux, trois robes d’été, un jouet pour mon chat, des accessoires de bricolage… Il suffisait de cliquer, d’appliquer les réductions et de payer. Presque rien. Moins que dans une boutique.

Le principe est tentant, amusant, même addictif, mais il faut raison garder. À 7 euros la robe et 12 euros le pull, même en écrasant les prix au maximum, la qualité est rarement au rendez-vous et les vêtements finissent souvent à la benne. Ce n’est pas grave, ils ne coûtent rien. Si, c’est grave ! Et ils ont un coût. Environnemental et social. L’ultra-fast fashion, car c’est de cela dont il s’agit, représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Elle est responsable d’un tiers du transport aérien de marchandises dans le monde. Sans oublier la pollution de l’eau et des sols – 240 000 tonnes de microparticules de plastique sont relâchées dans la nature chaque année à cause des vêtements en matières synthétiques – et l’exploitation des ressources – le textile est le troisième plus gros consommateur d’eau dans le monde. S’y ajoutent les méthodes de production qui s’apparentent à de l’esclavage moderne.

Le bonbon a un goût rance. Pourtant, le chiffre d’affaires de Shein a explosé de 900 % en trois ans. C’est donc que beaucoup de clients n’ont pas le choix ou l’envie d’être plus scrupuleux. La France a décidé de freiner l’essor de l’ultra fast-fashion et la surproduction de Shein, Temu et consorts grâce à une proposition de loi visant notamment à pénaliser les produits les plus polluants avec un malus de 5 euros par article en 2025, 6 euros en 2026 et 10 euros en 2030. Une invitation à réfléchir à nos besoins réels, à devenir des «consommacteurs» et à ne pas nous laisser étourdir par les reflets de miroirs aux alouettes.

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