Seuls les « idiots » payent leurs impôts», déplorait il y a quelques jours le journaliste italien Roberto Saviano pour dénoncer les places offshore comme le Luxembourg dont les pratiques fiscales sont, selon lui, le moteur de l’inégalité et de l’injustice qui font le lit de l’extrême droite en Europe. Mercredi, Bruxelles a jugé légaux les avantages fiscaux accordés par le Grand-Duché à McDonald’s. Ce plan d’optimisation a fait gagner au roi du fastfood un milliard d’euros d’impôts en Europe.
McDo paye peu pour ses considérables bénéfices. Mais pour certains, « peu » c’est encore de trop. Du moins est-ce ainsi qu’il faut interpréter la revendication formulée lundi par l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (ALFI) de voir le prochain gouvernement réduire le taux d’imposition des fonds. Il est actuellement de… 0,05% ! Il y va de la survie du secteur, dit le lobby, car la concurrence internationale est cruelle. Cela dit, ce taux ridicule n’a jusqu’à présent pas trop mal réussi au Luxembourg qui, avec 4 000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, a conquis le deuxième rang mondial de cette industrie du fric.
L’on imagine aisément ce qu’inspire aux professionnels du secteur l’idée de taxer à 1% maximum les transactions financières pour enrayer la spéculation et réunir les sommes suffisantes à l’éradication de la misère dans le monde. Dans son programme électoral, le DP, parti libéral du Premier ministre, s’y oppose fermement. L’ALFI pourra compter sur lui. Quant à l’abaissement à 20% du taux d’imposition des entreprises promis par le CSV, il tient tout bonnement de l’abstraction astronomique aux yeux des gestionnaires de fonds.
Mais qu’en pensent les patrons de PME dont les bénéfices sont taxés à 26% ? Ou encore tous ceux dont le salaire est amputé chaque mois d’un quart ou d’un tiers par le fisc ? Que c’est injuste, inéquitable, immoral ? Sans doute. Mais c’est légal, rétorquent gouvernement et multinationales. Et du moment que c’est légal, les grincheux n’ont qu’à aller docilement s’empiffrer de Big Mac. Sans oublier que ce sont les actionnaires qu’il faut en priorité rassasier.
Fabien Grasser