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Relents de mépris

À première vue, les vidéos diffusées en boucle de touristes horrifiés, au milieu des montagnes de poubelles éventrées sur les trottoirs parisiens, peuvent prêter à sourire. Quelque 10 000 tonnes de déchets n’ont pas été collectées depuis que les éboueurs ont rejoint la protestation contre la réforme des retraites. Sûr que si ces visiteurs étrangers s’attendaient à découvrir la capitale française romantique et pleine de charme de la série Emily in Paris, il y a de quoi être déçu… Et franchement naïf ! La fiction américaine vante, à grands renforts de clichés et fantasmes, une vision autrement plus reluisante que la réalité. Ça vaut pour n’importe quelle cité urbaine, au passage. Des rues propres, immaculées, on n’en trouve que dans les villages Potemkine que Vladimir Poutine fait pousser en Ukraine. Vrai que Marioupol «by night», ça en jette.

Quand on y regarde de plus près, le sourire se crispe et les mâchoires se serrent. Ce sont majoritairement les commerçants des boutiques chics et les riverains des beaux quartiers qui pestent, incommodés par l’image du pays actuellement renvoyée au reste du monde. Car la grève se sent, ça fait tache. Ce qui se sent, surtout, c’est le parfum de colère qui monte chaque jour davantage dans une société où la casse sociale bafoue la classe ouvrière. Ce qui prend au nez, jusqu’à la nausée, ce sont les relents du mépris craché au visage de ceux qui ramassent la crasse des autres. Tout au long de l’année et dans l’indifférence. Ceux pour qui l’air est vicié au quotidien, astiquant encore et toujours les recoins sales pour que brille la Ville Lumière. Les mains dans la fange, les rats qui se faufilent entre leurs pieds.

Mais c’est plus simple de fermer les yeux sur ce qui est véritablement moche à voir : la précarité de boulots jamais considérés à la hauteur de l’investissement réclamé. Des métiers aussi indispensables qu’ingrats, provoquant du dégoût au lieu de forcer le respect envers ces hommes et femmes de l’ombre qui s’échinent à se briser le dos. À se ruiner la santé et le moral, sans pour autant que ça remplisse le porte-monnaie. Une vie entière passée à respirer l’odeur de l’injustice que d’aucuns prennent tant soin d’entretenir.

Alexandra Parachini

Un commentaire

  1. Félicitations. Tout est dit. Mais c’est le côté poétique qui m’a plu le plus. Je lisais l’article et au fond de moi-même je le déclamais comme s’il s’agissait d’un poème.

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