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Punir ou réhabiliter ?

Boston, 1842. John Augustus, cordonnier, convainc un tribunal de police de ne pas envoyer un ivrogne en prison. Il propose aux forces de l’ordre de prendre en charge le délinquant, et de le surveiller afin qu’il reste sobre jusqu’à sa prochaine comparution. Trois semaines plus tard, l’inculpé a retrouvé un travail et s’est réintégré dans la société, et le tribunal le condamne seulement à une peine symbolique d’un cent.

L’expérience est si réussie que le cordonnier accueillera les 17 années suivantes près de 2 000 condamnés, à qui il offre travail et logement en échange de l’obligation de faire leurs preuves. Et ils le feront, à une écrasante majorité. Sans le savoir, ce philanthrope deviendra le promoteur historique de la «peine de probation».

Offrir aux délinquants la possibilité de se racheter plutôt que de les punir pour leurs méfaits : le débat reste hautement d’actualité. Si le fouet, les galères et le pilori ont disparu de nos arsenaux démocratiques, l’emprisonnement demeure, pour beaucoup, le seul horizon possible de la peine. Un délinquant doit être mis au trou, sinon, à quoi bon se démener à rester dans le droit chemin? Mais à trop vouloir punir, la peine devient davantage affaire de symbole que d’efficacité.

En témoignent les statistiques de la délinquance : pour les petites infractions, la récidive demeure plus forte après un séjour en prison qu’après une peine de probation. Dans la plupart des pays où l’enfermement est prôné, comme les États-Unis ou la France, les prisons ressemblent à des incubateurs à grands délinquants, là où les pays adeptes des peines de probation et des prisons ouvertes, comme le Danemark, voient leurs taux de récidive dégringoler.

Au Luxembourg, les deux modèles cohabitent, avec d’un côté la prison surchargée de Schrassig, et, de l’autre, le centre pénitentiaire semi-ouvert de Givenich. Le projet de nouveau centre pénitentiaire de Sanem, qui devra accueillir les prévenus en attente d’un procès, est un progrès dans le sens où il permettra d’éviter que ces détenus provisoires soient entassés avec les condamnés de Schrassig. Mais cela reviendra toujours à placer des prévenus, donc potentiellement innocents, derrière des barreaux.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)