Vendredi, à l’issue du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE à Bruxelles, Jean-Claude Juncker a livré à la presse une curieuse comparaison entre la désignation de son successeur à la tête de la Commission et les législatives de 2013 au Luxembourg.
Revenant sur la procédure du Spitzenkandidat pour choisir le prochain patron de l’exécutif européen, il a prévenu qu’il ne sera pas nécessairement issu du parti qui sortira en tête des européennes de 2019.
Il a raconté qu’en 2013, bien qu’ayant remporté les élections avec le CSV, il avait fait les frais d’un arrangement de coalition entre DP, LSAP et déi gréng pour lui barrer la route.
Comparaison n’est pas raison et dans ce cas elle est hasardeuse. En 2013, Juncker gouvernait depuis 18 ans et était passablement plombé par l’affairisme, entre écoutes du SREL, rachat de Cargolux ou soupçons de corruption dans l’affaire du grand stade.
L’on voit mal comment le vainqueur des prochaines européennes pourrait présenter à la présidence de la Commission un candidat lesté à ce point. Vendredi, quand Juncker livrait son analyse, Xavier Bettel était déjà sur le chemin du retour vers Luxembourg et n’a pas pu lui rappeler ces faits.
Cela dit, le Premier ministre va dans le même sens, jugeant que le futur chef de l’exécutif européen ne pourra être désigné par la seule voie du suffrage et qu’il faut laisser aux chefs d’État et de gouvernement de l’UE la possibilité d’intervenir dans le processus.
Pour se justifier, il a pointé le risque de voir un jour l’UE dirigée par Marine Le Pen si le sort des urnes plaçait l’extrême droite en tête des groupes politiques au Parlement européen. C’est aussi l’argument d’Emmanuel Macron.
Ce qui revient à annoncer que le résultat des élections sera respecté s’il va dans le sens voulu et qu’il sera écarté par un accord négocié en catimini si ce n’est pas le cas.
Précisément le type de combines sur lesquelles les nationalistes cultivent l’europhobie.
C’est pour les dirigeants européens faire l’aveu qu’ils privilégieront l’arrangement entre amis à la résolution des difficultés, sociales particulièrement, poussant les électeurs dans les bras de l’extrême droite. Qui a dès lors de beaux jours devant elle.
Fabien Grasser