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Négationnisme à la française

La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie.» Ces propos du candidat à la présidentielle française Emmanuel Macron ont enflammé la droite et l’extrême droite, qui y ont vu une «insulte à la France», une «trahison». Si la notion de «crime contre l’humanité» est avant tout juridique, il faut ici l’entendre dans son acception morale et force est de constater qu’Emmanuel Macron n’a fait que rappeler une évidence.

Oui l’appropriation illégitime par la force (la conquête militaire, le meurtre et le viol en l’occurrence) d’un territoire et, par la même occasion, de ses habitants est un crime abject. Bien sûr, les Français partis s’installer dans les colonies n’étaient pas des brutes féroces assoiffées de sang noir, arabe ou asiatique et des pilleurs sans scrupules de ressources naturelles. Ils ont pour la plupart simplement cherché une vie meilleure ou même une forme d’aventure.

Mais plus de 50 ans après la décolonisation, il est invraisemblable que la France ne puisse regarder son histoire en face. Tout pays a ses heures glorieuses et ses heures sombres qu’il faut assumer et vouloir présenter un «récit national» flamboyant tenant de la propagande confine au négationnisme historique.

Non, François Fillon, la France n’a pas voulu «faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord», comme celui-ci le déclarait en août. La colonisation était un instrument de puissance économique, militaire et politique. Faire croire que l’homme blanc, forcément supérieur, est venu apporter la civilisation à des «êtres inférieurs» n’est qu’une perpétuation du racisme consubstantiel à l’entreprise coloniale.

Et les traces de la colonisation sont encore présentes aujourd’hui, jusque dans le vocabulaire et l’imaginaire collectif. La semaine dernière, un syndicaliste policier français estimait qu’il était «convenable» de traiter un noir de «bamboula» lors d’un contrôle d’identité. Cette insulte raciste renvoyait en 1914 «à une imagerie alliant sauvagerie, cannibalisme, sexualité animale et rire, naïveté enfantine supposée des soldats noirs», selon la linguiste Marie Treps.