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Navalny, l’increvable

On le pensait inusable. Éternel sourire au coin des lèvres, le regard vif. Perçant à travers ses grands yeux bleu délavé. L’optimisme insolent en bandoulière. Alexeï Navalny, icône de la lutte contre l’oppression. Le plus célèbre opposant du Kremlin semblait même increvable, après avoir survécu à un empoisonnement au Novitchok en 2020, l’arme neurotoxique de dissuasion massive, pourtant proscrite à l’international. Que les agents de l’ancien KGB emploient toujours pour éradiquer la vermine contestataire. Il voulait être la lumière dans «les ténèbres», répétant à l’envi qu’un jour prochain, la Russie deviendrait «un pays pacifique et heureux».

Cette flamme de la résistance s’est éteinte en prison, vendredi, des suites d’un malaise «soudain». Dans cette colonie pénitentiaire oubliée du fin fond de l’Arctique, où l’encombrant détenu purgeait une peine de dix-neuf ans de réclusion depuis trois ans pour «extrémisme», après avoir été baladé d’une geôle austère à l’autre. Une condamnation à mort, ni plus ni moins, dont l’issue fatale ne faisait pas l’ombre d’un doute.

L’ancien avocat de 47 ans, militant anticorruption infatigable, révélé en 2021 au public par son retentissant documentaire sur les richesses douteuses du président Vladimir Poutine, n’était lui-même pas un saint. Ses positions nationalistes et anti-immigration ont évolué au fil du temps. Il exprimera plus tard force regrets pour avoir péché par naïveté durant sa jeunesse.

Vlad l’empereur l’a, malgré lui, érigé en martyr de la patrie, laquelle a fait vœu contraint de silence. La persévérance à toute épreuve du maître du Kremlin aura tout de même fini par payer. Juste à temps pour sa réélection triomphale à un scrutin remporté d’avance, dès le premier tour du 17 mars, puisqu’il n’y a plus aucun adversaire encore vaillant pour le tenir en échec. Les voilà tous six pieds sous terre, de façon inexpliquée, ou en train de croupir dans la crasse d’une cellule miteuse.

Navalny n’est donc plus, mais son combat demeure. En exil, ses équipes continuent sans relâche de diffuser des enquêtes sur le gavage des élites, dont une partie finance directement la guerre menée en Ukraine. Le pouvoir de nuisance de la bête noire du tsar tout-puissant reste intact.

Alexandra Parachini

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