Un beau matin, un jeune Américain se promène en forêt avec ses copains. Il est youtubeur, il porte un bonnet Toy Story et il s’appelle Logan Paul. Soudain, il tombe sur un Japonais raide mort.
Nom d’un piège à clics. Un suicidé, là, à ses pieds. Quelle coïncidence, alors qu’il se trouve dans la célèbre «suicide forest», au Japon. Que faire? Rire et filmer le cadavre, bien sûr.
La vidéo a été publiée le 2 janvier par ce vidéaste aux 15 millions d’abonnés et aux multimillions de dollars, bref, un demi-dieu sur la planète YouTube. Et si ce «vlog» suscite actuellement une indignation mondiale, dépassant l’habituel public adepte de cette plateforme, c’est parce qu’elle est à gerber… et pourtant, si banale.
À gerber, car rien n’excuse le comportement de Logan Paul. Le fait qu’il ait finalement prévenu la police de sa découverte, qu’il ait publié une vidéo d’excuse… Tout cela n’est que pure hypocrisie à partir du moment où il a choisi de publier cette vidéo.
Une vidéo où un suicide est tourné en dérision («Yo, t’es vivant?», «Est-ce que tu es parmi nous?»). Une vidéo vue par des millions d’enfants. Une vidéo totalement irrespectueuse pour la famille du défunt.
Mais cette vidéo est aussi banale. Partout dans le monde, des milliers de youtubeurs font chaque jour comme cet Américain. Pendant que la vieille télévision crève de sa course à l’audimat, sur YouTube, c’est la course aux vues, aux likes et aux abonnements, car synonymes de «YouTubeDollars».
Sans faire injure aux nombreux talents qui remontent le niveau avec des vidéos de qualité, et qui font de YouTube une véritable corne d’abondance artistique, il faut bien admettre que la plupart des «influenceurs» ont acquis la célébrité avec les mêmes ficelles que la TV poubelle : médiocrité, vulgarité, voyeurisme…
Mais avec la différence notable que YouTube est un far west où le shérif est le public lui-même. Et quand le public veut du sang, YouTube le lui donne, pratiquement sans modération. La vidéo de Logan Paul a pu être publiée telle quelle, et elle lui a fait gagner plus de 100 000 abonnés. Longue vie au bad buzz.
Romain Van Dyck