Brouteurs. Ce terme – apparu en Côte d’Ivoire – désigne les escrocs rompus aux arnaques en ligne. Des moutons qui cherchent à se remplir la panse sans se dépenser. En faisant plutôt cracher des âmes charitables au bassinet. Celles-ci deviendront des vaches à lait, croyant éperdument à la promesse d’un grand amour. Elles seront trahies par leur bon cœur, qui les intimera de sauver un être cher en détresse. C’est généralement la teneur des messages que l’on a tous déjà reçus au moins une fois.
C’est gros, trop gros. Et pourtant, souvent, ça passe. Parce que c’est malgré tout bien fait, parfois à s’y méprendre. Suffisamment pour semer la graine du doute dans les esprits même les plus alertes. D’autant plus quand la missive frauduleuse porte l’entête d’un organisme étatique. Pas plus tard que le week-end dernier, de nombreux Luxembourgeois ont reçu l’ordre de régler une amende pour une infraction jamais commise.
Les brouteurs ne sont pas nécessairement des brebis galeuses. Ce sont pour la plupart les membres dociles de troupeaux très organisés. Du bétail bien élevé. Se contentant d’une carotte tendue par la main qui nourrit les bêtes. Cette main peut palper jusqu’à 20 000 euros pour un bon coup. Argent facilement gagné pour quelques mails et appels. À l’autre bout du fil et du monde, les victimes se sont délestées de leurs économies. Celles de toute une vie, pour beaucoup.
Car ce sont hélas nos aînés qui sont davantage vulnérables et donc ciblés. Ce sont hélas encore eux qui ouvrent volontiers la porte aux faux agents de police ou du gaz. Ce sont, trois fois hélas, eux qui papotent sur Facebook sans se méfier des dangers invisibles. Les pouvoirs publics ne semblent pas véritablement prendre la mesure du fléau. Au niveau local, des associations se démènent. Avec des moyens certes limités. Mais les cours d’informatique ne peuvent plus se résumer à apprendre à allumer un ordinateur ou manipuler la souris. Mener de vraies politiques de cybersécurité, c’est traiter le mal à la racine.
L’arbre cache une forêt dense. Et la mauvaise herbe pousse bien trop vite. On ne répétera jamais assez que nos données personnelles sont précieuses. En particulier pour les brouteurs. À nous de les rendre chèvres.
Alexandra Parachini