Elle prend sa pause, les yeux noyés dans le vague à l’âme. À quoi pense-t-elle, à l’évidence usée par toute une vie de labeur? Cette dame, prénommée Nola d’après le badge épinglé à sa blouse, n’a franchement plus l’âge de travailler. Elle bosse pourtant chez Walmart, géant américain de la grande distribution. La scène, diffusée sur TikTok par un collègue, émeut aux larmes. L’auteur de la vidéo, Devan Bonagura, a lancé une cagnotte en ligne pour que Nola puisse enfin prétendre à la retraite. En quelques jours, 140 000 dollars ont été récoltés. Et Devan, qui affirme avoir subi des pressions de la direction, aurait finalement perdu son job…
C’est ça l’Amérique, avec son libéralisme décomplexé. Un mauvais rêve qui a viré au cauchemar depuis longtemps. On la dit divisée, malade de ses fractures sociales. Mais ses États n’ont jamais été unis et chacun fait sa loi. Des États de non-droit, pour certains. Où les plus pauvres sont condamnés à se tuer à la tâche, littéralement jusqu’à la mort. Pour gagner de quoi se payer des soins médicaux et tenter de remplir les assiettes des enfants. Où les femmes sont contraintes à une grossesse non désirée, quand bien même née de violences sexuelles. Où l’existence des citoyens noirs, latinos et LGBT aura toujours moins de valeur que celle des hommes blancs hétérosexuels, viscéralement accrochés à leur fierté de porter une arme à la ceinture.
La vague républicaine annoncée n’a pas déferlé sur le Congrès, au lendemain des Midterms. Il n’empêche que les conservateurs se tiennent en embuscade pour 2024. D’aucuns misent déjà sur le charismatique gouverneur de Floride, Ron DeSantis, ou l’insatiable Elon Musk qui vient d’engloutir Twitter. Et bien sûr, le plus bruyant d’entre tous, Donald Trump. Un retour en force lui permettrait de ne jamais purger la peine Capitole qu’il a causée le 6 janvier 2021, en appelant clairement ses partisans à «marcher» sur le cœur de la démocratie et fouler au pied les institutions que tout président jure de protéger au moment où il pose ses doigts sur la Bible. Le milliardaire, qui ne respecte rien ni personne, aura surtout réussi à se faire passer pour le représentant du peuple. Non, cette Amérique ne fait vraiment plus rêver.
Alexandra Parachini