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Macron : ça passe ou ça coince

Nul ne sait si les luttes vont converger comme l’appelle de ses vœux la CGT, mais elles sont en tout cas en train de s’agréger : SNCF, universités, Justice, retraités, personnels de santé, fonctionnaires, salariés du privé confrontés à la réforme du code du travail… La France est traversée par des conflits sociaux sans précédent depuis 1995. Face aux vents contraires, Emmanuel Macron dit sa «détermination à mener les réformes nécessaires à la modernisation» du pays, formule usée à souhait par tout gouvernant pris dans la tempête. Pour se tirer d’affaire, il peut parier sur le poids négligeable des syndicats français. Il continuera à miser sur une communication jusqu’à présent efficace, mais qui tend à faire moins illusion. En témoigne le soutien des Français apporté – pour l’instant – à la grève des cheminots, là où le gouvernement joue pourrissement et division.
La voie de la confrontation systématique a ses limites, quand bien même le président reste habile à attribuer ses propres méfaits à ses adversaires. Sur la SNCF, il en va ainsi de l’usage confus du mot «concertation». Masquant l’absence de négociation, il est destiné à faire porter aux syndicats la responsabilité de la brutalité des ordonnances par lesquelles la SNCF sera privatisée. Mais «privatisation» aussi est un mot tabou. Les choses sont pourtant claires si la réforme est menée au bout : la SNCF passera du statut d’établissement public à celui de société anonyme, avec l’État pour actionnaire majoritaire. Quoi qu’en promette Macron, l’objectif de service public désintéressé cèdera à la logique du profit, intrinsèque à toute entreprise privée.
Si ce conflit commence à cristalliser les mécontentements, ce n’est pas pour la défense d’imaginaires avantages corporatistes de cheminots, mais parce qu’il porte en lui cette question plus large d’un choix de société, entre compétition individuelle et intérêt général. Dans ce dossier, Macron joue gros car il a conféré à son rôle de «réformateur» une dimension quasi messianique. En misant tout sur les «premiers de cordée», cet adepte du passage en force est engagé sur un chemin de plus en plus étroit. À force, ça passe ou ça coince.

Fabien Grasser.