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L’idiot utile

Pour Nicolas Dupont-Aignan, l’accord conclu vendredi avec Marine Le Pen est perdant sur tous les tableaux. Il y laissera ses mandats locaux, son parti politique et son indépendance. Pour le FN, le deal tombe à point nommé, à quelques jours du second tour. La dynamique électorale sera certes limitée, le souverainiste ayant rassemblé moins de 5 % des suffrages le 23 avril. Pour Le Pen, il apporte le vernis républicain qui manque à son ravalement de façade destiné à faire passer des vessies fascistes pour des lanternes démocratiques. Il est promis à Dupont-Aignan le poste de Premier ministre si l’hypothèse du pire, la victoire de Le Pen, se réalisait dimanche. La promesse n’engage pas à grand-chose, en tout cas pas sur la durée. Le Pen accorde des concessions à la marge pour arrondir quelques angles contondants de ses thèses d’extrême droite. L’annonce la plus spectaculaire issue de ce mariage est le renoncement du FN à une sortie immédiate de l’euro. C’est en réalité une belle épine que Dupont-Aignan tire du pied de Le Pen. Elle qui ne savait comment se débarrasser de ce pilier de son programme, connaissait en revanche le péril qu’il y aurait à le mettre en œuvre.

Il demeure que, sur l’essentiel, Le Pen ne renonce pas à l’essence fasciste de son corpus idéologique : «priorité nationale». Cette injonction dit la peur de la différence, sortilège électoral justifiant le nationalisme. Elle dit le privilège d’être français à ceux qui ont perdu leur identité sociale. Elle dit l’obsession du complot international (l’UE) et intérieur (les politiques responsables du déclin), elle dit la xénophobie, le racisme, la brutalité.

Bien plus qu’un hypothétique report de voix, c’est son âme que Dupont-Aignan a marchandée avec Le Pen. Il cite à tout va de Gaulle, mais s’acoquine avec un parti dont des membres, émargeant naguère à l’OAS, avaient tenté d’assassiner l’homme de la France libre. Comme ceux qui s’y sont risqués avant lui, Dupont-Aignan apprendra qu’avec le FN tout désaccord vaut trahison. Il n’y a ni marge de manœuvre ni retour en arrière possibles pour ceux qui prennent place à la table du clan Le Pen.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

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