Les Moldaves scrutent le ciel avec inquiétude. Des missiles sifflent au-dessus de leur tête. Et leur présidente, Maia Sandu, a avoué ces derniers jours redouter un coup d’État. Le risque ne date pour autant pas d’hier. Voici un an que les habitants de ce petit pays, coincé entre l’Ukraine et la Roumanie, se savent en danger. Lorsque la guerre a éclaté, la question n’était déjà plus de savoir si Moscou envahirait un jour la fragile république, mais plutôt quand son heure viendrait. Car Chișinău vit sous la menace séparatiste depuis trente ans. À l’époque, l’URSS est disloquée et la nation sombre dans la guerre civile. Le peuple se déchire jusqu’à la sécession de la Transnistrie, langue de terre léchant le flanc ukrainien sur 450 kilomètres. Personne ne reconnaîtra cet État fantôme. Ni l’ONU évidemment, ni le Kremlin. C’est plus étonnant, quand on sait que quelque 1 500 soldats russes y stationnent en permanence.
En mai dernier, Le Quotidien avait pris part à une mission humanitaire organisée par la Croix-Rouge luxembourgeoise, qui œuvre en Moldavie depuis trois décennies. Il s’agissait de convoyer des produits de première nécessité aux réfugiés ukrainiens – un demi-million alors accueillis en deux mois. Nous avions recueilli des témoignages, tous concordants, sur les déstabilisations récurrentes et la peur de se faire lacérer par les griffes de Poutine et son appétit dévorant. Prendre la Moldavie, c’est se dégager un chemin tout tracé vers Odessa et ainsi contrôler la mer Noire.
Nous avions surtout entendu le refus catégorique de «vivre comme les Russes» et le désir viscéral de partager les valeurs européennes, que Maia Sandu défend avec ferveur. Mais l’Occident sera-t-il aussi prompt à voler au secours d’un pays parmi les plus pauvres du continent, qui n’a rien d’autre à offrir que ses beaux vignobles ? Un pays peu attractif, dont l’architecture – en dehors du centre-ville de la capitale – rappelle à tous les coins de rue l’Empire soviétique. Et dont l’armée ne compte que quelque milliers d’hommes, bien démunis pour opposer une vaillante résistance. Le péril est imminent. Il y a fort à parier qu’Européens et Américains trouveront une bonne excuse pour regarder ailleurs.
Alexandra Parachini