Aujourd’hui, alors que pratiquement toute la politique du pays tourne autour des élections législatives d’octobre, un sujet majeur, décisif pour l’avenir du pays, est sciemment mis de côté par l’ensemble de la classe politique : le rôle du Grand-Duché dans la Grande Région et ses interactions économiques et démographiques avec les pays voisins.
La semaine passée, l’État français a déclaré prioritaire le passage à trois voies de l’A31 entre Thionville et la frontière luxembourgeoise, sans vouloir y investir. La solution d’un péage semble inéluctable, ce qui aurait pour conséquence de surcharger des axes secondaires déjà saturés et qui n’ont jamais été bâtis pour subir tout ce trafic.
Le Luxembourg regarde d’un œil concerné mais distant ce qui se trame de l’autre côté de la frontière. Électoralement, après tout, quel parti aurait intérêt à déclarer qu’il serait judicieux de soutenir le développement d’infrastructures coûteuses sur un autre sol que le sien? Les électeurs ont déjà montré à quel point ils se souciaient de ce qui n’était pas purement luxembourgeois lors de l’explicite référendum de 2015.
Mais un secteur devrait se sentir concerné par le fait transfrontalier : l’économie. Si les exercices prospectifs disent vrai (et jusqu’à présent, ils sont plutôt en dessous de la réalité), il y aura 100 000 frontaliers de plus en 2035. Ces personnes ne viendront pas pour le plaisir de bloquer tous les axes du pays, elles viendront répondre à l’appel des patrons qui auront besoin d’elles pour faire tourner leurs entreprises, et donc l’économie du pays. Une économie qui doit être galopante, rappelons-le, sans quoi les traitements et les retraites des employés de l’État (qui sont tous des électeurs) ne pourraient plus être assurés à terme.
Il serait donc particulièrement bienvenu que les questions transfrontalières (et pas seulement la mobilité) soient enfin débattues au sein de la société luxembourgeoise. Et si aucune personnalité politique ne lance le débat, les acteurs économiques devraient s’en saisir. Il n’y va rien de moins que de l’avenir du pays.
Erwan Nonet