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Les fissures de l’Europe

Elle est déjà loin, l’époque de l’euphorie européenne, de ce grand mouvement de générosité et d’accueil qui a accompagné les premières vagues massives de migrants. En 2015, l’heure était à la concorde, aux schémas progressistes et aux discours volontaristes. Moins d’un an plus tard, tout a changé. Les attentats de Paris, les violences de Cologne, sont passés par là. La méfiance est de mise et les migrants plus vraiment au cœur des préoccupations.

Mercredi, dans le journal Le Monde, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s’est inquiété de cette «spirale négative». Suède et Finlande envisagent l’expulsion de dizaines de milliers de réfugiés, le Danemark saisit les biens des nouveaux venus, la jungle de Calais, en France, n’a jamais aussi bien porté son nom. Pourtant, Jean-Claude Juncker veut croire que «la solidarité européenne finira par prévaloir». Méthode Coué pour tenter de se convaincre que le système n’est pas en panne.

L’Europe se referme comme elle s’était ouverte. Au point que la gestion de la crise migratoire semble avoir été faite avec une immense légèreté. Seuls quelques pays, comme le Luxembourg, ne remettent pas en cause ce qui avait été décidé par la Commission. Les autres sont à des années-lumière de vouloir (pouvoir ?) assumer leurs promesses.

Le volontariste Jean-Claude Juncker ne veut pas pour autant lâcher prise et maintient une sorte de pression sur les États membres. Pour que chacun fasse de son mieux dans cette crise. «Ensemble, nous serons unis contre ce qui cherche à nous diviser. Nous persévérerons en 2016. Et nous réussirons», conclut-il sa tribune. Utopie autoréalisatrice ou réelle expertise ? L’Europe n’a jamais été aussi divisée et les fissures de plus en plus nombreuses ne doivent pas laisser la place à la panique générale.

L’Europe, construite depuis soixante ans, est plus forte que les vagues qui la frappent et qu’elle saura gérer. Dans la douleur, peut-être, mais c’est à ce prix qu’elle montrera sa force et sa détermination. Car envisager, ne serait-ce qu’un instant, la fin de cette Union, c’est déjà donner raison aux ennemis de la paix.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)