Le sommet européen de la semaine dernière a bien été historique. Le feu vert donné – sans la Hongrie – à l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine est un signal politique fort envoyé à la fois aux Ukrainiens, au président russe, Vladimir Poutine, mais aussi au reste du monde, dont les États-Unis, où le Congrès ne parvient pas à s’accorder sur une prolongation des aides pour Kiev. Parmi les Vingt-Sept, le nerf de la guerre demeure toutefois aussi l’argent destiné à l’Ukraine. Une enveloppe supplémentaire vitale de 50 milliards d’euros a été bloquée par le seul Premier ministre hongrois.
L’absence de consensus sur ce point fait clairement tache, d’autant plus que Viktor Orban ne cache plus qu’il lèvera son veto uniquement si l’UE lui verse enfin l’ensemble des 30 milliards d’euros de subventions retenus en raison d’entraves à l’État de droit. Dans ce contexte, il est plus que malheureux qu’un «hasard du calendrier» ait fait que la Commission européenne a décidé, la veille du sommet, de débloquer une première tranche de 10 milliards d’euros, officiellement car la Hongrie remplirait désormais les conditions fixées par Bruxelles. Viktor Orban a sauté sur l’occasion pour accentuer son chantage.
Hier, sur la radio 100,7, le Premier ministre, Luc Frieden, a déploré le fait que le rôle joué par Viktor Orban soit venu faire de l’ombre aux discussions sur l’élargissement de l’UE vers les Balkans occidentaux, mais aussi vers l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Il suffisait de voir les scènes de liesse, vendredi, à Tbilissi, pour mieux saisir l’importance qu’a cette perspective européenne pour le peuple géorgien. Au Grand-Duché, qui reste un pays résolument proeuropéen, il est toutefois inquiétant de constater que seuls 39 % des résidents se disent encore favorables à l’élargissement de l’UE, contre 58 % à l’été dernier. De plus, les citoyens se montrent davantage inquiets par rapport à l’immigration, qui est pourtant le principal moteur de la prospérité du Luxembourg. Le discours des populistes anti-UE laisse donc désormais aussi des traces dans un pays fondateur de la Communauté européenne. Cette tendance doit alerter les responsables politiques, sans quoi les étoiles européennes risquent de pâlir encore dans les mois et années à venir.