Au matin du 24 février, la Russie bombarde ses «frères» de toute part. Ici, très vite, l’on se pare largement du drapeau ukrainien sur Facebook. En déroulant le fil de l’actualité tragique, les murs sont massivement repeints en bleu et jaune. Et chacun, bien sûr, y va de son commentaire indigné. Le degré d’émotion se mesure dès lors à la petite bouille jaune et toute sa palette d’expressions. Émoji triste, en colère, qui pleure à chaudes larmes… Entre autres sentiments à partager du bout des doigts. La bonne conscience est tout aussi instagramable. On peut y mettre sa révolte en scène sans filtre et à grands renforts de hashtags. Quitte à réécrire la story du moment.
Mais, comme l’indique la maison mère d’ailleurs, ces photos de profil sont «temporaires». En effet, aujourd’hui, les bannières de soutien ont disparu. Il faut dire qu’un mois et demi, c’est une éternité dans ce temps de l’éphémère où tout s’efface en 24 heures. Les réseaux sociaux offrent une nouvelle cause à défendre et un nouveau combat à mener chaque semaine. La situation n’en demeure pourtant pas moins dramatique là-bas. Marioupol, la martyre quasiment rasée, s’effondre sous les assauts des suppôts de Poutine et ses fanatiques qui lui vouent un culte aveugle. De Kiev jusqu’à Kharkiv, les cadavres de civils exécutés s’entassent dans les villages, autant que les témoignages de viols se multiplient. Combien de Boutcha, Bouzova et Borodyanka reste-t-il encore à découvrir ? Odessa tente désespérément d’esquiver le feu des missiles qui jaillit autant de la mer qu’il ne tombe du ciel. Où sont donc passés les émojis solidaires ?
Tous regardent désormais ailleurs. La guerre en Europe s’est finalement banalisée. Quelques-uns veulent malgré tout voir les choses en face, aussi insoutenables soient-elles. Ces associations et citoyens qui se démènent dans l’ombre. Des anonymes prennent l’initiative et la route pour apporter leur aide aux frontières-refuges, parfois même au-delà. De si précieuses contributions. En toute discrétion, sans en faire l’étalage sur la grand place numérique. Rendons leur hommage. Et pas besoin d’un émoji cœur pour saluer cet engagement qui ne se compte pas au nombre de likes.
Alexandra Parachini