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La tripartite piégée

On fera quoi si jamais une troisième tranche venait à tomber cette année ou si deux tranches étaient dues en 2023?» La présidente de l’OGBL, Nora Back, a émis cette interrogation début avril. L’hypothèse est devenue aujourd’hui une quasi-réalité. L’inflation galopante (5,8 % en 2022, 2,8 % en 2023) aura pour conséquence que les prochaines tranches indiciaires vont être déclenchées bien plus vite que prévu. L’accord tripartite, rejeté par le seul OGBL, risque d’être dépassé avant qu’il n’entre en vigueur. 

Il reste prévu qu’entre 2022 et 2024, une seule tranche sera versée en l’espace de 12 mois. L’avancement de la seconde tranche d’août à juin 2022 ne pose pas encore de problème majeur, même si la loi sur le mécanisme de compensation fait encore défaut. Les choses vont néanmoins se corser si jamais une autre, voire plusieurs autres tranches seront dues en 2022. Fin mars, aucune tranche n’était encore prévue pour 2023. Désormais, il y en a une. Au moins une.

Plus cocasse encore : l’accord acte que «toutes les tranches déclenchées et non appliquées (…), le seront au 1er avril 2024». Autrement dit : les patrons risquent d’être amenés à verser d’un seul coup une augmentation de salaire pouvant varier entre 5 % et 10 %, en fonction du nombre de tranches de 2,5 % reportées à 2024. «Il devient (…) de plus en plus vraisemblable qu’une ou même plusieurs tranches soient définitivement perdues», souligne l’OGBL, qui se voit confirmé dans son choix de ne pas cautionner la «manipulation» de l’index.

Le coût pour l’État n’est pas non plus à sous-estimer. Il est possible que le crédit d’impôt énergie, chiffré à 440 millions d’euros pour 8 mois, devra être versé en permanence jusqu’en 2024. Le milliard d’euros serait rapidement dépassé. Et puis : aucune des prévisions ne mesure l’impact d’un probable embargo sur le pétrole et le gaz russe.

Le gouvernement a pris l’engagement de convoquer une nouvelle tripartite si la situation venait à empirer courant… 2023. Il y a fort à parier que les partenaires sociaux devront se revoir encore courant 2022. Car la prévisibilité promise aux entreprises, la compensation financière accordée aux ménages et, surtout, la paix sociale espérée lors de l’année électorale 2023, ne tiennent plus qu’à un fil.