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La revanche Sauvage

C’est un cas exemplaire qui secoue actuellement la justice française. Celui de Jacqueline Sauvage qui, après de longues années de coups, de sévices, de viols sur elle et ses filles, avait finalement pris le courage de tuer son bourreau. Elle s’était sentie piégée et n’avait pas trouvé la force de faire appel aux gendarmes, n’avait pas fait confiance au système judiciaire. Condamnée par la justice qui a retenu un meurtre aggravé, elle a finalement bénéficié d’une grâce présidentielle partielle. Mais à sa récente demande de libération conditionnelle, les juges ont opposé un refus qui a indigné ses avocates. Elle a fait appel vendredi.

Il est pourtant bien difficile de blâmer l’acte de cette femme. Qu’elles soient soumises à des cas de violences conjugales ou sexuelles, les victimes doivent affronter un véritable parcours du combattant pour obtenir gain de cause. Elles sont mises en doute, questionnées encore et encore et doivent revivre leurs sévices des années plus tard lors de procès longs et douloureux, sans pouvoir se reconstruire, quand elles ont la «chance» d’arriver jusque-là.

La faute de Jacqueline Sauvage est d’avoir dû se résoudre à faire justice elle-même, à n’avoir trouvé d’autre échappatoire que d’éliminer son bourreau, pour être tout à fait sûre qu’il ne pose plus jamais la main sur elle ou ses filles. Il lui a fallu certainement une immense dose de courage, mais aussi éprouver un grand sentiment d’abandon de la part des autorités. Si elle avait tiré lors d’un énième assaut de son mari, la justice aurait certainement été plus clémente. Mais difficile de trouver le courage dans ces moments-là, lorsque le bourreau faisait régner la terreur au sein de sa propre famille.

Il n’est pas question de prôner le fait de se faire justice soi-même, mais cette affaire a permis de mettre en lumière les défaillances de la justice dans la protection des victimes, car dans ce cas la victime reste Jacqueline Sauvage. Si la police et la justice protégeaient les victimes sans mettre systématiquement en doute leur parole lors de procédures trop longues et douloureuses, ces femmes hésiteraient moins à faire appel à l’aide des autorités. Il est temps de remettre la victime au centre du système judiciaire, pour que la prochaine Jacqueline Sauvage se sente plus protégée par la justice que par sa carabine.

Audrey Somnard (asomnard@lequotidien.lu)

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