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La mort d’une utopie

La crise des réfugiés est un véritable enjeu existentiel pour l’UE. Comme l’a déclaré Angela Merkel, lundi, «les droits civils universels ont été jusqu’à présent étroitement liés à l’Europe et à son histoire, en tant que principe fondateur de l’Union européenne (…) Si l’Europe échoue (…) ce lien sera rompu.»

Alors que l’Allemagne a été sous le feu des critiques – à juste titre – dans le dossier grec, elle se montre en revanche exemplaire dans celui des réfugiés. D’aucuns argueront qu’il est plus facile de se montrer accueillant lorsque son économie a besoin de main-d’œuvre du fait d’une démographie en déclin. Peut-être, mais le constat de la chancelière n’en reste pas moins valable. Car aujourd’hui, que restera-t-il de l’une des plus belles utopies politiques du XXe siècle si l’UE échoue sur les droits de l’homme, dont le droit d’asile fait partie ?

D’un point de vue économique et social, l’UE apparaît de plus en plus aux yeux des citoyens européens comme un ennemi qui considère les sacro-saintes «compétitivité» et «concurrence libre et non faussée» comme l’alpha et l’oméga de son modèle de société, bien avant le progrès social et la lutte contre la pauvreté et les inégalités. La gestion de la crise grecque n’a eu pour résultat que d’accentuer ce sentiment. Athènes s’est vu imposer des «réformes» absolument absurdes sur les plans économique et social, mais qui collaient parfaitement à cette idéologie.

Actuellement, c’est avant tout par son aspect sécuritaire que la crise des réfugiés est traitée. La solidarité – entre États et avec les réfugiés – n’arrive qu’au second plan. Les obligations légales qui découlent des conventions internationales signées par les États membres sont également ignorées. La libre circulation, une des plus belles réussites de l’Europe, aux bénéfices économiques non négligeables, est remise en cause.

L’UE risque de ne devenir, au final, qu’une coquille vide, ayant renoncé à tous ses idéaux de départ. La caricature qu’en font ses contempteurs – celle d’un paradis des banquiers et des lobbyistes des multinationales – deviendrait alors une triste réalité.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)