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La guerre par tous les moyens

Il faut distinguer ce qui tient du fait divers et du terrorisme. Les assauts sanglants perpétrés ces dernières semaines en France, en Allemagne et jusqu’au Japon ne sont pas tous de même nature. C’est une évidence, mais encore faut-il le rappeler, tant l’abus d’information en continue est propice à semer la confusion.

Selon l’ONU, près de 1 200 meurtres et assassinats sont commis chaque jour dans le monde. Mais après le carnage du 14 juillet à Nice, la manipulation politique et l’obsession de la guerre a primé sur la raison face à un tueur dont le profil est pourtant moins proche d’un terroriste que d’un Andreas Lubitz, le pilote de Germanwings qui a tué 150 personnes en précipitant un Airbus sur les Alpes françaises en mars 2015.

Les raisons poussant à ces actes sont multiples et peut-être propres à chaque individu qui les commet, qu’il soit pris de folie meurtrière ou animé de motifs pseudo-religieux. D’aucuns expliquent cette barbarie suicidaire par la misère sociale, économique ou éducative croissante. Plus sûrement, chacun l’attribue à l’impossibilité de donner du sens à une société purement tendue vers la consommation et son indissociable corollaire de frustrations.

Pour l’État islamique (EI) qui a revendiqué l’attaque de Rouen, hier, les mobiles sont limpides. En ciblant à nouveau la France, l’organisation d’Al-Baghdadi pense frapper son ennemi européen le plus fragilisé par les dissensions politiques et sociales.

Impossible aussi de ne pas faire le parallèle avec les JMJ, rassemblement de centaines de milliers de jeunes catholiques en Pologne. Cette Pologne qui divise l’Europe, en raison notamment de son opposition à l’accueil des réfugiés de guerre, refus sous-tendu par un discours volontairement islamophobe. Et l’assaut mené contre un lieu de culte chrétien conforte la rhétorique millénariste de Daech sur l’affrontement final entre le bien et le mal.

Ceux qui, depuis Raqa ou ailleurs, pilotent l’EI sont bien conscients des ravages qu’occasionnent les attentats sur la santé des démocraties occidentales, sur leur capacité à les diviser, à les piéger.

Mais ce n’est pas leur seul message. Le terrorisme est aussi une réponse asymétrique à la guerre conventionnelle. En Syrie, en Irak ou en Libye, la France est bien l’ennemie de Daech. Des Rafales bombardent quotidiennement les positions du califat. La France de François Hollande a le verbe guerrier, la gâchette facile et un carnet de commandes d’armes plein comme un œuf. Ses armes, elle les vend surtout en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans la péninsule arabique, en périphérie donc du terrain où ses troupes sont directement engagées.

Chacun le sait : la coalition internationale qui pilonne l’Irak et la Syrie, ce n’est pas le combat des gentils contre les méchants. Les diatribes manichéennes des dirigeants français, et plus largement occidentaux, dissimulent des visées dépassant largement l’éradication de l’EI. Cela ne donne aucune légitimité à ce dernier. Mais cela ne doit pas non plus occulter qu’il n’est pas la cause du problème. Daech n’est que l’une des conséquences de la vaste partie de poker géopolitique déclenchée par l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Grandes puissances et puissances régionales s’y affrontent indirectement autour d’enjeux territoriaux, politiques et économiques dont les ressorts profonds échappent au commun des citoyens.

«Nous devons mener cette guerre par tous les moyens», a lancé François Hollande hier. Face au nombre de victimes, peut-être faudra-t-il songer un jour à l’arrêter par tous les moyens.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

Un commentaire

  1. Il n’y a pas que la Pologne qui « divise » l’Europe, en raison de son opposition à l’accueil des réfugiés.
    Merkel a davantage contribué à la diviser avec son absurde et très personnelle « Willkommenspolitik » menée au mépris de ses partenaires européens mais aussi de l’opinion de ses concitoyens et qui finira par lui retomber sur le coin de la figure. Son entêtement a aussi donné du grain à moudre aux partisans du Brexit.
    L’attitude de la France est beaucoup plus subtile puisque le discours officiel est l’acceptation des « quotas » européens c’est à dire…pratiquement rien à l’échelle du pays. Donc une position finalement très proche de celle de Pologne avec la différence que le discours polonais (comme celui de la Hongrie) paraît plus direct, plus extrême. Mais dans la pratique cela revient au même et peu de voix s’élèvent en France pour qu’il en soit autrement.

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