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La grâce et après ?

Le président français a décidé hier d’accorder à Jacqueline Sauvage une remise gracieuse du reliquat de sa peine lui permettant d’être immédiatement libérable. Symbole malgré elle des victimes de violences conjugales, Jacqueline Sauvage est cette femme qui avait été condamnée à dix ans de réclusion, une peine confirmée en appel, pour le meurtre de son mari.

Son procès avait révélé l’ampleur des souffrances qu’elle avait subies tout au long de sa vie conjugale auprès de ce mari violent. Une femme battue, violée, par cet homme qui n’hésitait pas à faire endurer le même calvaire à ses deux filles comme elles l’ont raconté à la barre. Après une grâce partielle, accordée en janvier dernier, François Hollande a donc décrété hier que la place de Jacqueline Sauvage n’était pas en prison, mais près des siens. Toute la classe politique française a salué cette décision sur les réseaux sociaux.

Le post de François Hollande annonçant la nouvelle a été retweeté plus de
15 000 fois en moins de deux heures. Les commentaires étaient majoritairement positifs, mais pas tous. Certains, offusqués, comparaient le geste présidentiel à un permis de tuer délivré à toutes les femmes battues. Une grosse erreur.

La veille, France Inter consacrait son éditorial politique, par un heureux hasard, à la question des violences faites aux femmes (article retweeté 118 fois seulement, petite précision) et nous rappelait que le thème était très peu abordé par les candidats à la présidentielle dans leur programme, à quelques très rares exceptions près. C’est dire si ces femmes torturées, effrayées et meurtries se sentent seules face à leur bourreau en dépit de l’aide que peuvent leur apporter les structures d’accompagnement et les associations de soutien à ces victimes d’une grande vulnérabilité.

En France, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint et à ces 134 décès viennent s’ajouter 84 000 viols ou tentatives de viols par an, 230 par jour. Le pays investit près de sept millions d’euros dans la sécurité routière, contre un à deux millions d’euros tous les trois ans dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Un permis de tuer? Non, un cri d’alarme.

Geneviève Montaigu (gmontaigu@lequotidien/lu)