J’ai honte, mais je dois vous avouer qu’une fois, j’ai jeté de l’argent à la poubelle. Je vidais mes poches, et une pièce de un centime a rejoint les déchets. Je l’ai vue, pourtant, je n’ai rien fait pour la sauver. Bah, ce n’était qu’un centime !
Quelle ignorance. Ce n’est pas un, mais près de quatre centimes que j’ai gaspillés. Car en France, son pays d’émission, cette pièce d’acier recouverte de cuivre a un coût de fabrication près de quatre fois supérieur à sa valeur faciale. Pareil pour les pièces de deux centimes, qui coûtent 4,6 centimes à fabriquer.
Or, à l’échelle européenne, ce paradoxe économique coûte cher ! Près de 46 milliards de pièces de un et deux cents ont été fabriquées par les États membres, ce qui représente près de 1,4 milliard d’euros de pertes cumulées depuis 2002, du fait de cet écart coût/valeur.
D’autant que, semble-t-il, ces petites pièces rouges embêtent beaucoup de monde : les commerçants qui n’en ont jamais assez, les particuliers qui ne savent pas quoi en faire, les mauvais en calcul…
La Banque centrale irlandaise, elle, vient de trancher. Non pas en interdisant leur circulation (car une telle décision est du ressort de la zone euro), mais en autorisant les commerçants à arrondir les prix aux cinq cents les plus proches. Un système déjà utilisé par des pays comme la Finlande et les Pays-Bas, et qui est un moyen efficace de rendre les petites pièces inutiles, donc d’en limiter la coûteuse production.
L’idée semble bonne, mais pas sûr que tout le monde s’y retrouve. À commencer par les particuliers, qui devraient voir leur porte-monnaie s’alléger plus que prévu si les commerçants arrondissent les prix à leur avantage. Gare à l’inflation.
Et puis cette menue monnaie peut représenter un gros coup de pouce pour les associations d’entraide ou les plus démunis… ou un gros pactole pour les collectionneurs qui tombent sur des pièces rares ! Sans oublier que ces petites pièces ont parfois permis de bonnes blagues, comme lorsqu’une administration fiscale a vu débarquer un contribuable avec près de 100 kg de «ferraille», et certainement désireux de lui rendre la monnaie de sa pièce…
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)