Messieurs. L’heure est grave. À l’aune des révélations de harcèlement et d’agressions sexuels qui font la une des journaux, il faut bien se rendre à l’évidence : nous, les hommes, nous sommes de beaux salauds.
Depuis l’éclatement du scandale Harvey Weinstein, la parole s’est libérée. Nous étions bien sûr conscients que la vie est, d’une manière générale, beaucoup plus facile pour les hommes que pour les femmes. Mais il est très aisé de l’oublier lorsque l’on est né du «bon» côté. Avec ce déballage affligeant, difficile de ne pas considérer les hommes comme des bêtes sauvages incapables de contrôler leurs pulsions. Mais cette explication est bien trop simpliste. Non, Harvey Weinstein et consorts (qui peuvent être beaucoup moins puissants et beaucoup plus «ordinaires») ne sont pas des malades relevant de la psychiatrie. Leurs agissements et le silence des victimes pendant de longues années sont le fruit d’un rapport de domination intériorisé à la fois par les dominants et les dominées et qui va bien au-delà des scandales de harcèlement.
Des exemples ? Les études sociologiques montrent que les femmes sont moins enclines que les hommes à prendre la parole en public, car elles se sentent moins légitimes pour le faire. Et les hommes n’hésitent d’ailleurs pas à leur couper la parole sans vergogne.
Dans un tout autre registre, la Révolution française est présentée dans les livres d’histoire comme un symbole du triomphe de l’égalité. Mais de quelle égalité parle-t-on quand plus de la moitié de la population est exclue ? Même la langue de Molière est indubitablement sexiste, bien aidée par l’Académie française qui, au XVIIe siècle, a décidé que le masculin l’emportait sur le féminin, car il est plus «noble».
Si le débat sur la grammaire qui secoue le pays des droits de l’homme (et non humains, tiens !) peut paraître anecdotique, il ne faut pas oublier qu’une langue porte en elle une vision du monde. Si l’appel à la délation sur Twitter (#balancetonporc ou #metoo) est vu par certains comme une chasse aux sorcières, tous ces combats – même excessifs – mis bout à bout participent de la remise en cause de la domination des hommes sur les femmes. Mais il y a encore du boulot.
Nicolas Klein