Accueil | Editoriaux | Frontex en eaux troubles

Frontex en eaux troubles

Alors que le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur italien n’en finit plus de faire parler de lui pour sa politique anti-immigration toujours plus dure, voici que l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen, se mettrait à dériver en eaux troubles ?

En effet, à en croire différents médias italiens, allemands, français et britanniques, Frontex aurait fermé les yeux sur des pratiques encore plus discutables vis-à-vis des migrants que celles qui ont forgé la réputation de Matteo Salvini : chiens lâchés sur des migrants, spray au poivre et refoulements violents, ne seraient que quelques-uns des actes perpétrés sous les yeux d’agents de Frontex, bien que l’agence ait entretemps démenti tout dérapage, rejetant la faute sur les gardes-côtes et garde-frontières des différents États membres, sur l’action desquels elle n’a aucun pouvoir décisionnel d’ingérence, en matière d’arrestation de migrants, par exemple.

En clair, cela signifie que les gouvernements nationaux de l’UE – et, par extension, leurs services de police et de douane – sont entièrement libres d’agir comme bon leur semble. Ainsi, un policier hongrois sera tenu de suivre les consignes de son Premier ministre, Viktor Orbán, tandis qu’un garde-frontière bulgare fera de même en suivant à la lettre les ordres de son ministre de tutelle, via son supérieur hiérarchique… soit une preuve supplémentaire que l’Europe fonctionne trop souvent à deux vitesses !

Les institutions européennes font régulièrement la leçon aux Salvini, Orbán et consorts qui partagent les mêmes valeurs, mais elles ne sont pas capables de trouver un terrain d’entente, lors des sommets européens à 28, quant à une solution viable de répartition solidaire relative à l’accueil des migrants entre les différents États membres.

L’éternelle opposition entre les doctrines intergouvernementale et fédéraliste déboucherait sur le summum du grotesque, si les accusations de violation de droits fondamentaux par Frontex (a priori de manière indirecte, «en fermant les yeux»), devaient s’avérer fondées. Franchement triste.

Claude Damiani