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«Frontas» : des visages et des vies

La fiscalité, a fortiori transfrontalière, n’est pas un sujet vendeur. Il y a une réticence à écrire sur ce sujet. D’autant plus quand le lecteur est luxembourgeois et qu’il se voit infliger par un journal francophone des articles sur le partage des richesses avec les territoires voisins. Mais il y a un exercice de vérité dans cette histoire : soit le Luxembourg construit 10 000 logements par an pour accueillir une plus grande partie de sa main-d’œuvre, soit nous irons inexorablement vers le chiffre d’un actif sur deux qui est frontalier. Ce n’est pas un drame, c’est une drôle d’aventure. Cela demande de parler argent, inévitablement, puisqu’on ne pourra pas renvoyer éternellement derrière la frontière la question du codéveloppement.

En réalité, ce sujet est passionnant quand on y voit des visages et des vies. Qui est frontalier, au juste ? Je pense à ma prof de luxembourgeois, une Dudelangeoise qui est partie vivre du côté français avec son mari et ses trois enfants. Dans quel genre d’école ou de lycée vont ses enfants ? Des infrastructures solides comme on en connaît ici ou un bâtiment décrépit qui n’incite pas à croire en ses chances ?

Je pense aux salariés que je vois entassés dans le train depuis Metz ou Arlon. Les projets tardent à se concrétiser pour des raisons d’organisation, parfois même de défaillance des régions voisines. Mais surtout de moyens. En Suisse, les frontaliers vont bénéficier d’un nouveau RER (le Léman Express) qui ouvrira en décembre, en partie financé par Genève, en plus des compensations financières. Le budget «record» de 2020 permettrait cet élan. Mais dans son discours sur l’état de la Nation, le Premier ministre a à peine prononcé le mot «frontalier».

Je pense enfin aux types avec qui je joue au foot à Longwy, sur des terrains qui font franchement pitié. Ça forge les mollets et le caractère. Longwy, plus de 50% d’actifs frontaliers, possède un budget d’investissement trois fois moindre que Pétange. Du coup, le week-end, avec les enfants, on va sur les aires de jeux de Pétange. Frontalier la semaine, frontalier le dimanche.

Hubert Gamelon