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La fin de la chevalerie

Les urnes étaient encore chaudes, le matin venait de se lever sur le Royaume quand, déjà, les perdants des élections générales ont reconnu leur défaite, cuisante, humiliante pour certains.

Sans se chercher d’excuses, ils ont déposé les armes et ont quitté l’arène, laissant le champ libre au conservateur David Cameron et à la nationaliste écossaise Nicola Sturgeon, grands vainqueurs d’une joute qui aura été sans pitié.

Ainsi va la vie politique britannique où les hommes savent s’effacer quand on leur dit «non». Et le «non», jeudi soir, était massif contre Ed Miliband, leader peu charismatique d’un Parti travailliste qui a raté sa campagne, contre un Nick Clegg, incarnation d’une Angleterre libérale honnie, ou contre Nigel Farage, au discours europhobe finalement trop proche de celui de David Cameron.

Tous les trois ont décidé de laisser à d’autres la responsabilité de mener leurs partis, reconnaissant ainsi la limite de leurs stratégies. Une pratique étonnante dans une Europe habituée aux professionnels de la politique, aux discours péremptoires et aux certitudes illusoires.

Cette attitude chevaleresque toute britannique devrait en inspirer d’autres, convaincus qu’une défaite électorale n’est qu’un passage obligé vers la (re)conquête du pouvoir. Et il faudra du courage aux successeurs des Miliband, Farage et Clegg pour relever le gant, reconstruire sur ce désastre dans un pays qui a révélé au grand jour l’antagonisme de ses composantes.

Car le vainqueur a un boulevard en trompe l’œil devant lui. Si David Cameron a obtenu une majorité absolue qui devrait lui permettre de gouverner plus sereinement, il devra le faire avec la défiance d’Écossais qui ont affiché clairement leur volonté sécessionniste.

En filigrane, ces élections marquent peut-être le début de la fin du Royaume et de la chevalerie. Le fair-play so british affiché hier masque mal un malaise profond dans un Royaume déchiré de toute part. Et c’est sur ce malaise que David Cameron a obtenu une éclatante victoire. Sans doute trop belle pour être vraie.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)