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Femmélique début

Les femmes sont sources de vie. Cependant, elles sont continuellement offensées, battues, violentées et poussées à se prostituer et à supprimer la vie qu’elles portent en leur sein», a estimé le pape François dans son homélie prononcée en la basilique Saint-Pierre. Soulignant que «la renaissance de l’humanité a commencé à partir de la femme», il a estimé que «toute violence faite à la femme est une profanation de Dieu, né d’une femme». Enfin! Il était temps !

Quoique, je me suis peut-être réjouie un brin trop vite. Le pape a continué sur sa lancée concernant la maternité souvent «humiliée car l’unique croissance qui importe est la croissance économique». Et puis, «patatras!». C’était la procession dansante d’Echternach dans ma tête : un pas en avant, deux en arrière. L’Église condamne les violences faites aux femmes et paraît ainsi faire un bond vers la modernité et l’instant d’après, elle entérine la femme dans son rôle de mère, de reproductrice, de ventre qui perpétue l’espèce et les fidèles. L’instant d’avant, passé la surprise de l’annonce, j’avais pensé que l’Église devait sacrément être en manque d’ouailles pour se positionner ainsi et renier des centaines d’années de dénégation des femmes qu’elle ne considérait pas comme étant des saintes.

L’Église chercherait-elle à effacer une certaine image dégradante des femmes qu’elle a elle-même contribué à créer en des temps plus obscurantistes? À se faire pardonner certaines atrocités? L’envie de modernité est à exclure. La femme moderne donne peut-être la vie, mais son rôle au sein de la société ne doit pas uniquement se limiter à cela sous prétexte que les hommes en sont biologiquement incapables. Elle n’est plus celle par qui le malheur arrive. La ravissante idiote qui, incapable de résister à la tentation d’un beau parleur, croque dans la pomme et condamne toute sa descendance. Elle n’est plus Lilith, le succube, qui vient dévoyer les hommes mariés durant la nuit. Elle n’est plus la folle que l’on emmure dans un reclusoir. Elle n’est plus celle qu’un tribunal des maléfices condamnait arbitrairement – si elle survivait à la noyade – à être brûlée vive pour l’expurger du malin qui l’encourageait à vivre autrement que la société de l’époque l’exigeait ou à entretenir d’autres croyances. À part Marie et une pucelle instrumentalisée à des fins de ce qu’on n’appelait pas encore du marketing à l’époque, aucune femme n’a joué un rôle autre dans l’Église que celui de la dévotion à un Dieu masculin dont les représentants sur Terre sont encore des hommes. Les femmes ne sont que des servantes. Qui savait lire et écrire ? Les hommes ! Et à qui a-t-on, longtemps avant l’enseignement obligatoire, transmis ces facultés : aux hommes !
Il était temps que l’Église reconnaisse les violences faites aux femmes. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’histoire commune des femmes. Une petite tape – comme celle qu’a donnée le pape sur la main de cette femme un peu trop fervente mercredi – sur la tête d’une institution qui a par son silence encouragé la société des hommes à fouler du pied la féminité.

Sophie Kieffer