Chaque jour, la Méditerranée rejette les corps qu’elle a emportés plus tôt. Ces corps, anonymes, sont ceux de candidats à l’asile qui tentent de trouver refuge en Europe. L’espoir d’une vie meilleure, qui commence et se finit sur ces embarcations de mauvaise fortune. De maigres économies englouties sans assurance d’arriver à bon port. Personne ne les pleurera vraiment, ils font partie d’une globalité ainsi résumée : les migrants.
Des femmes et des enfants, des hommes. Des êtres déshumanisés, parce qu’ainsi entassés par plusieurs dizaines sur les vieux rafiots. Une masse indistincte qui disparaîtra dans les flots, au milieu de nulle part. Ceux qui seront épargnés par la funeste destinée échoueront sur les côtes de l’île de Lampedusa, s’ils ont un peu de «chance». Aux portes de l’Italie, plus disposée à refouler qu’à recueillir. Pas davantage prompte à porter secours. Des existences qui restent un fardeau jugé trop lourd pour les autorités publiques. Les ONG sont heureusement sur le pont, toujours. La bonne volonté d’une poignée de bénévoles pour éponger la dette morale des États quant à la solidarité européenne.
Certains assument malgré tout leur part du boulot. À l’image du Luxembourg, engagé au sein de l’opération conjointe Themis. Au cours du week-end dernier, le Grand-Duché a ainsi contribué au sauvetage de deux bateaux, justement à quelques encablures de Lampedusa. Pas moins de 57 rescapés ont pu être repérés par le biais d’un hélicoptère de surveillance aérienne, opéré par la Luxembourg Air Ambulance. Une quarantaine de naufragés restait hier introuvable.
D’aucuns s’habituent de voir les cadavres affluer dans ces vastes cimetières marins, au gré des courants. Sans doute cela arrange bien des affaires, d’ailleurs. Logique comptable, pour éviter d’avoir à gérer l’humain. En oubliant que l’exil est d’abord forcé, par les guerres et le chaos. Personne n’a envie d’être déraciné, d’abandonner ses proches et ses souvenirs. Encore moins pour se retrouver parqué comme du bétail sur une barge à quai en Angleterre. Ou lâché dans le désert, à la frontière libyenne. Ou instrumentalisé au Bélarus, juste pour ennuyer le voisin polonais. Entre autres tragiques exemples.
Alexandra Parachini