L’incrédulité a vite cédé la place à la sidération puis à l’émotion dans les minutes et heures ayant suivi le massacre qui s’est déroulé dans les locaux de Charlie Hebdo, hier matin à Paris.
Provocant jusqu’au mauvais goût, ne reniant pas le slogan « bête et méchant » de son ancêtre Hara-Kiri, le journal satirique pourfendait volontiers les religions, contre lesquelles il faisait feu de tout bois dans une tradition anticléricale bien française. Ses outrances ont valu bien des péripéties judiciaires à Charlie dont l’engagement a pourtant contribué à faire parfois bouger les lignes en faveur de la liberté d’expression.
« C’est le 11-Septembre de la presse », a réagi hier Mourad Boudjellal qui fut dans les années 90 l’éditeur de Charb et Tignous. La comparaison avec les attentats de 2001 n’est pas oiseuse, ne serait-ce que par l’émotion et l’indignation qu’ont suscitées ce carnage et cet attentat contre la liberté.
Une liberté dont Wolinski, Charb et tant d’autres étaient de fervents militants. Leur combat contre la bien-pensance a fini par leur coûter la vie.
Au fil des témoignages exprimés hier par des proches des victimes se dessinait aussi le portrait d’une joyeuse bande de potes, des types généreux et rigolards, des amoureux de la vie. Vie éteinte par des salauds fanatiques dévoyant le nom de Dieu pour justifier leur lâcheté, évidemment sans rapport avec les préceptes de l’islam.
Tout comme les fachos à la mode Le Pen qui dans leur obsédante intolérance cognent à longueur d’année sur les musulmans, les auteurs de la tuerie exècrent la vie, la démocratie et la liberté d’expression. Autant d’obstacles à leur désir d’obscurantisme et de terreur, ingrédients si indispensables à la manipulation de masse à laquelle ils aspirent.
Dans ce combat contre le pire, les journalistes ont un rôle de première importance à jouer. Nous devons refuser de céder à la peur et au sectarisme, ne serait-ce que par respect pour les victimes d’hier. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons affirmer « ils ne nous auront pas » et – rendons hommage à Charlie – « on vous emmerde ».
De notre rédacteur en chef Fabien Grasser
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